23 juillet 2017

Beau comme de l'Angelus Silesius

"De la plante je dis     "c’est une plante"
de moi je dis     "c’est moi"
et je ne dis rien de plus
qu’y a-t-il à dire de plus  ?
            Fernando Pessoa. Poèmes païens.

Pendant de longues semaines de reconstruction personnelle après une chute qui l'a cassé, Sylvain Tesson parcourt les chemins noirs de l'Hexagone, tentant de "déposer sur les choses le cristal du regard sans la gaze de l’analyse, ni le filtre des souvenirs. Jusqu’ici, j’avais appris à faire de la nature et des êtres une page où noter les impressions. Il m’était urgent à présent d’apprendre à jouir du soleil sans convoquer de Staël, du vent sans réciter Hölderlin et du vin frais sans voir Falstaff clapoter au fond du verre. Bref, à vivre comme un de ces chiens: ils goûtent la paix, langue pendante, donnant l’impression qu’ils vont avaler le ciel, la forêt ou la mer et même le soir qui tombe. Bien entendu, l’entreprise était vouée à l’échec. Un Européen ne se refait pas."

Ce regard épuré sur les choses et les gens est une invitation que l'on peut reprendre comme leçon de sagesse. Tu t'appelles comment? et tu vas où? Regarder celui qu'on croise comme on s'émerveille de la transparence de l'eau qui coule à la fontaine, sans tenter de tout percer, de tout comprendre, de cerner ce qui nous unit et nous divise pour simplement se réjouir qu'il soit là, est un art de vivre.


Lu dans:
Sylvain Tesson. Sur les chemins noirs. Éditions Gallimard. 2016. 144 pages 

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