01 février 2017

Le jardin des simples

"Parfois la vie daigne te faire un signe,
Un bruit, une senteur,
Une voix, un éclair.
Tu te retournes,
Tu ne vois rien,
N'entends plus rien,
Sinon cette ombre portée d'une présence,
Sinon le poignant reflet d'une lumière,
Tu ne vois rien,
N'entends plus rien,
Sinon peut-être
Ce prénom d'un enfant
Crié dans le square voisin,
Enfant que cherche sa mère."  
        François Cheng. À Jacqueline de Romilly

Une après-midi comme tant d'autres, des hommes, des femmes de tous âges dans un endroit un rien vétuste où on prend soin. Ils apportent leurs maux, et l'ombre portée de leurs absents, père, mère, parfois un enfant, les cours d'école au soleil, les pays et les métiers rêvés, les deuils et peines dont ils ont fait leurs migraines et leurs maux de dos. Des "strotjes" qui enserrent la collégiale si proche aux collines de la Transylvanie, de la Cappadoce au Haut Atlas, ce sont toutes les senteurs, bonheurs et malheurs du monde qui se bousculent dans cet endroit clos qui leur est devenu si familier, comme une réminiscence de la cuisine ou de la courette quittées il y a longtemps. L'instant est fait de silences pour écouter, ausculter, palper les zones où se niche la douleur, ou l'inquiétude. Entre le potager et l'église se nichait jadis le "jardin des simples", plantes médicinales douces à tous les maux. Existe-t-il plus belle expression pour définir la médecine de proximité qu'on aime?


Lu dans :
François Cheng. La vraie gloire est ici. NRF. Gallimard. 2013. 162 pages. Extrait p.90

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