29 avril 2015

La tendresse de Zorba

"Je tiens cette terre de Crète et je la serre avec une douceur, une tendresse, une reconnaissance inexprimables, comme si je serrais dans mes bras, pour en prendre congé, la poitrine d'une femme aimée."
            Nikos Kazantzakis

On dit de certaines terres qu'elles sont nourricières, la Crète en est. Mère de notre civilisation, sa beauté âpre habite durablement la mémoire de ceux qui l'ont fréquentée. L'accueil d'hôtes attentionnés, la douceur de son climat, la beauté de ses musées et de ses églises, une certaine connivence avec notre propre existence ont fait de nous des enfants de Zorba, dans les traces de Nikos Kazantzakis. Celui qui chanta sa terre mieux que quiconque, la délaissant pourtant à plusieurs reprises, d'où l'image de la femme aimée et souvent délaissée à laquelle il compare sa Crête. Une certaine image du bonheur se façonne ainsi, digne, pauvre, mais bien différente de l'image de la cigale désargentée qu'une certaine Europe voudrait en donner. 
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L'énigme Majorana

"Sur une trentaine de feuillets fragilisés par les années, je retrouve la même écriture régulière et constante que dans les Volumetti, mais cette fois il n'y a ni calculs ni équations. Je suis pour ainsi dire aimanté. L'écriture est la façon la plus palpable, la plus corporelle, qu'a un disparu de réapparaître. Un manuscrit autographe est comme une résurrection, un silence calligraphique qui dit presque tout."
 E. Klein

Ettore Majorana était réputé parmi les physiciens du début du XXe siècle comme un des plus géniaux de tous. Sa disparition soudaine et demeurée inexpliquée au printemps 1938 a ajouté à son mystère. 

 
Lu dans:
Etienne Klein. En cherchant Majorana. Le physicien absolu. Folio 5891. Gallimard 2013. 200 pages. Extrait pp 83, 84

27 avril 2015

La beauté des floraisons éphémères


"Telle une fleur
qui     là     de l'arbre tombe
chantant le vide
Que sont nos certitudes?»
        Liam

Une promenade dans la superbe région du Pajottenland entourant le château de Gaasbeek nous donne d'assister à une pluie de pétales de cerisiers en fleurs. Moment intense où se mesurent la beauté et la fragilité des choses, concept esthétique et spirituel proche du Mono no aware (物の哀れ?) japonais, traduit comme l'empathie envers les choses ou la sensibilité pour ce qui ne dure guère.  La beauté du caractère éphémère de la vie est traditionnellement représentée par le printemps japonais, aussi court que spectaculaire. En particulier, la floraison des cerisiers, la célèbre « Sakura » montre que l’intensité sensorielle est inversement proportionnelle à la durée. Le front de la floraison, qui remonte depuis le sud, est avidement suivi par tous les médias pendant les dix jours que dure l’événement, entre l’éclosion du premier bourgeon et la chute du dernier pétale. Le paroxysme de la floraison jusqu’à saturation n’est pas considéré comme le plus esthétiquement parfait. L’ultime beauté n’est atteinte que quand les pétales commencent à tomber en une pluie de confettis roses. C’est alors qu’on peut mesurer la décharge esthétique de cette étincelle de vie. Au Japon comme dans notre Pajottenland, les vraies richesses sont périssables, et c'est ce qui en fait leur beauté.


Lu dans :
Jacques Roubaud. Mono No Aware, le sentiment des choses. Gallimard. NRF. 1970

26 avril 2015

"Quand un problème est mal posé, toutes les solutions sont fausses."
    Anonyme
 


25 avril 2015


"Que sais-tu du soleil si tu n'as pas été à la mine."
     Sagesse des mineurs du Donbass


Lu dans:
Sylvain Tesson. Berezina. Ed. Guérin. 2015. 200 pages. Extrait p. 93

24 avril 2015


« Celui qui a mille verstes à faire doit pouvoir se dire, oubliant le but final: ''Aujourd'hui, en faisant quarante verstes j'arriverai à un endroit où je pourrai me reposer et dormir" ; et, pendant la première étape, ce lieu de repos masque le but final et concentre sur lui tous les désirs et tous les espoirs ».
    Léon Tolstoï
Lu dans :
Sylvain Tesson. Berezina. Ed. Guérin. 2015. 200 pages. Extrait p. 161

23 avril 2015


"Il disait qu'il rangerait la pièce, les affaires, les papiers dès qu'il aurait le temps. Il ne l'a pas eu et après sa mort on a tout livré à une entreprise de débarras. "
    Claude Roy


Lu dans:
Claude Roy . La fleur du temps. NRF. Gallimard. 1988 350 pages. Extrait p. 218.

22 avril 2015


"Le commencement du bonheur, c'est de renoncer aux plaisirs qui ne font pas plaisir."
    Claude Roy


Lu dans
Claude Roy . La fleur du temps. NRF. Gallimard. 1988 350 pages. Extrait p. 218.

21 avril 2015


« On peut plaisanter sur tout : sur l’échec, sur la guerre, sur la mort, sur l’amour, sur la maladie, sur la torture… Encore faut-il que ce rire ajoute un peu de joie, un peu de douceur ou de légèreté à la misère du monde, et non davantage de haine, de souffrance ou de mépris. »
    André Comte-Sponville

20 avril 2015

Les cerisiers sont blancs


On descend dans ton jardin et l’on monte dans le mien
Quatre parcelles en éventail
Du thym, de la sauge et de l’ail
Les fleurs aux couleurs  de rocaille
Isolent les courges  des coloquintes
Sous les feuillages  grince une plainte
Les chenilles se roulent dans tes mains.
    Alice Guitton

Pâques dans le dos, une longue descente vers les vacances d'été s'entamait, le trimestre le plus joyeux de l'année. Il était ponctué  de fêtes diverses, d'excursions scolaires, de compétitions sportives, illuminé par la floraison d'essences aussi colorées que parfumées. On se souvient de tout cela avec un bonheur que la mémoire enjolive, un tri s'est opéré. 

04 avril 2015

L'oeuf perdu


"Pendant une semaine, les festivités pascales avaient jeté leur lustre sur tout le village, remplissant chaque maison de gâteaux pascals et d’œufs rouges. Elles avaient rayonné sur les jardins et les avaient couverts de fleurs. Leur éclat s’était fait sentir jusque sur les rudes caboches des paysans ; l’ivresse en avait chassé pour quelques jours les froids calculs de l’intérêt. Pendant une semaine, la vie, ayant rejeté le joug de ses misères, s’était faite plus légère."
             Nikos Kazantzakis

L'enfant en moi garde des matins de Pâques le souvenir d'une légèreté de l'air sans pareille, d’œufs multicolores maladroitement dissimulés pour nous laisser la joie de trouver sans l’amertume de chercher en vain. Émois d'enfance qui n’en dureront pas moins à travers Pâques et l’été, et à travers Noël, et toutes les années à venir. Quelle que soit notre relation à la transcendance, le récit de Pâques et de la Passion, lu ou mis en scène avec un art consommé du suspense par des acteurs improvisés dont nous étions, sa gradation dramatique, son mystère, ses traîtres, ses moments de tendresse, son acmé tragique et son happy end ont intimement structuré notre relation à l'existence et aux autres. Le cri de désespoir et d'abandon "eli eli lama sabactani",  les ténèbres sur le Golgotha, le voile du temple qui se déchire n'étaient séparés que d'une journée de la joie du jardinier devant le tombeau ensoleillé  "femmes, ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant". Message d'envoi pour ce qui constituerait notre propre existence, alternant les périodes d'échec et de renaissance: la désespérance peut se voir surmontée. Images fondatrices dont j'ai personnellement gardé un souvenir heureux.

Et puis...
"quand tout est fini, que tous les œufs ont été trouvés, à grands cris et grand émoi, personne ne s’aperçoit que l’on a oublié un œuf. Personne ne l’a trouvé, personne ne s’en est inquiété. Un œuf qui restera, sera détruit, ne laissera pas de trace. N’en est-il pas ainsi de la plus grande partie de notre passé, de ceux que nous aimons, de nous-mêmes ? J’oublie déjà tant de noms…" (Jacqueline de Romilly)

Je vous souhaite une heureuse fête de Pâques. Les pensées entre café et journal prennent quelques jours de repos et de silence, ne vous inquiétez pas, ce n'est pas votre connexion Internet qui fait défaut. Belles vacances à ceux qui en bénéficient.
CV

Lu dans :
Nikos Kazantzakis. Le Christ recrucifié. Ed. Pocket. 2002. 347 pages
Jacqueline de Romilly. Les oeufs de Pâques. Prologue à Astropoulos est mort. Fallois. 1992. 232 pages

03 avril 2015

Une guitare sur le sol


"Nous restâmes silencieux auprès du brasero, tard dans la nuit. Je sentais de nouveau combien le bonheur est une chose simple et frugale: un verre de vin, une châtaigne, un misérable poêle, la rumeur de la mer. Rien d'autre. Et pour sentir que tout cela c'est du bonheur, il ne faut qu'un cœur simple et frugal."
            Nikos Kazantzakis

Relisant Zorba, j'entends distinctement les cigales, le crépitement des bûches qui rougeoient, le murmure de conversations à mi-voix comme s'il ne fallait pas rompre le charme de la nuit. Une guitare traîne sur le sol, épuisée. Demain notre groupe se disloque, l'aventure fut belle, on reprend chacun sa route. L'un de nous fredonne du Joe Dassin où "on se quitte tout doucement / sans penser à demain / à demain qui vient toujours un peu trop vite / aux adieux qui quelquefois se passent un peu trop bien." C'était le bonheur, en avions-nous conscience, ce bonheur qui nous est donné par surcroît au terme d'une aventure, d'un projet ou d'une route, l'accomplissement d'un vécu bien avant d'être un but. Ces images simples nous construisent sans que nous nous en apercevions, un vrai trésor de guerre bien utile quand viennent les années. 


Lu dans:
Nikos Kazantzakis. Alexis Zorba. Robert Laffont, 1960, 391 pages

02 avril 2015


"Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée: car chacun pense en être bien pourvu."
             René Descartes

01 avril 2015

La médecine évolue


"Pendant les travaux, la vente continue."

A partir de la semaine prochaine, le cabinet va connaître de profondes transformations qui s'étendront sur une période de trois mois. Séduit par le concept du self-banking, le hall d'entrée sécurisé proposera un espace de self-caring 24/7 avec guichets automatisés pour les prescriptions et les certificats, tous les jours weekend compris et aussi durant la nuit. Les documents administratifs seront accessibles de chez vous via notre site en permanence. Les dossiers papiers vont être scannés et brûlés, l'ordinateur va être remplacé par un smartphone et une tablette, connectés au vôtre à la demande. Mon vieux bureau hérité du pépé de Marie-France (cent ans de bons et loyaux services, et de milliers de confidences) va partir au musée de la médecine d'Erasme et sera remplacé par deux fauteuils cosy dans un espace santé repensé par un styliste d'intérieur. Un kit d'examen sera fourni à chaque patient pour permettre de s'examiner soi-même à domicile, les données m'étant transmises par le réseau et les éventuelles prescriptions rapidement accessible aux guichets du self-caring. Un container adapté à la poursuite des consultations sera placé par une entreprise spécialisée dans la rue devant le 24 rue Cyriel Buysse pendant ces trois mois afin de ne pas interrompre le service assuré depuis de longues années. Nous vous remercions pour votre compréhension pendant cette période de transformations.