31 janvier 2013

Sagesse de Sophie Scholl


«La peur est en moi, rien que la peur.»
Sophie Scholl

Devenue symbole de la résistance, l'Allemande Sophie Scholl, guillotinée à 22 ans pour avoir fondé l'organisation antihitlérienne La Rose blanche, écrit peu avant son arrestation : «La peur est en moi, rien que la peur.» La lecture de cette phrase est paradoxalement rassurante. Il est permis d'être peureux et courageux en même temps.   

 
Lu dans :
Pierre Bayard. Aurais-je été résistant ou bourreau ? Les Editions de Minuit. 2013. 158 pages.

30 janvier 2013

Disney pas mort


"Anthropomorphisme: attribution de caractéristiques comportementales ou morphologiques humaines à d'autres entités comme des animaux, des objets, des phénomènes, voire des idées."

En Louisiane, Donte, un basset hound, a été accusé d’avoir violé un congénère. Ses propriétaires ont reçu une amende pour l’avoir laissé se balader au-delà de leur clôture trouée. Le P-V précise que « ce chien a abusé d’un chien d’une autre race sans son approbation ». Une condamnation qui fera jurisprudence. (Le Soir du 29 janvier 2013)
 

29 janvier 2013

27 janvier 2013

Une inéluctabilité programmée


« C'est tenter le diable que de maintenir l'Europe dans cet état de tension ». Une fois la guerre déclarée, chaque camp tenta de persuader son opinion qu'elle était inévitable, que l'adversaire ne lui avait pas laissé le choix, que l'agression était mûrement réfléchie. Mais en réalité, ce qui l'avait rendue inévitable, c'était la croyance dans son inéluctabilité."
J-Y Le Naour. 1914

Lu dans:
Jean-Yves Le Naour. 1914. La grande illusion. Perrin. 2012. 415 pages. Extrait p.8

"Tu sais, seul ce que je t'ai confié en silence
nous élève dans la profondeur."
Paul Celan

25 janvier 2013

Les années bonheur


"Tout nous échappe sans cesse, même les êtres qu'on aime. Mais reste la certitude que certains moments ont été ce qu'on appelle le bonheur."
Laurence Tardieu.
   . 

C'est idiot!


"Assistant à l’une de ses pièces, Tristan Bernard se trouvait assis à côté d’un monsieur qui bâillait en répétant: « C’est complètement idiot! » Entendant, quelques rangs derrière lui, un spectateur riant aux éclats, il trouve plus réconfortant de changer de place. Et il entend son nouveau voisin répéter, en s’étouffant de rire: « C’est complètement idiot ! »
Repris par Raymond Devos dans un entretien avec Alfred Sauvy.


Lu dans :
Sauvy-Devos: Laissez-nous rire. Archives L'EXPRESS. 20/07/1984.

23 janvier 2013

Sagesse des taciturnes


"Quand j'ai tort, j'ai mes raisons, que je ne donne pas. Ce serait reconnaître mes torts."
 Raymond Devos. A tort ou à raison.

Ah Devos, notre maître ès usage du silence et de la parole.  "Quand un homme ne dit rien alors que tout le monde parle, on n’entend plus que lui ! Je n’en continuai pas moins mon exposé... mais je commençai à faire attention à ce que je disais. De temps en temps, je me tournais vers celui qui ne disait rien, pour savoir ce qu’il en pensait. Mais comment voulez-vous savoir ce que pense quelqu’un qui ne dit rien et qui, en plus, écoute... Car, de plus, il écoutait ! J’ai dit: « Mes amis, puisque vous êtes tous d’accord avec mes idées... Quelqu’un s’est levé. Il m’a dit : « Monsieur, toute réflexion faite, nous serions plutôt de l’avis de ce monsieur qui n’a rien dit. » Et ils ont quitté la salle!"

Ce paysage incertain où se tisse l'avenir


"Si Auschwitz n'a su guérir l'homme du racisme, qu'est-ce qui pourrait y parvenir?"
E. Wiesel

Au moment de subir un multiple pontage coronaire, l'ancien déporté à Auschwitz-Birkenau et à Buchenwald (il y perdra ses parents et sa sœur), prix Nobel de la Paix 86, scrute le parcours de son existence avec désenchantement. "Dans mon combat contre la haine, que je voulais inlassable, ai-je investi suffisamment de temps, d'énergie pour dénoncer le fanatisme sous ses masques divers? Sans doute pas puisque, nous tous qui avons mené ce combat, devons admettre la défaite. Une fois les camps libérés, je m'en souviens, nous étions convaincus qu'après Auschwitz il n'y aurait plus de guerre, plus de racisme, plus de haine, plus d'antisémitisme. Nous nous sommes trompés. D'où un sentiment proche du désespoir. Car si Auschwitz n'a su guérir l'homme du racisme, qu'est-ce qui pourrait y parvenir? À nous de l'admettre: le monde n'a rien appris. Sinon, comment comprendre les atrocités au Rwanda, au Cambodge, en Bosnie ... ? " Peut-être. Se remet-on jamais d'un retour des camps et le regard qui a vu l'abomination peut-il retrouver la vision paisible des paysages lumineux?  

Comment sonder les pensées de cette marée humaine, jeune, créative, avide d'échanges internationaux et de voyages, connectée au village humain par l'Internet, développant une culture commune multiforme au-travers d'impressionnants réseaux sociaux. On ne peut nier qu'une humanité neuve se dessine, dont la nouveauté inquiète parce qu'indiscernable, mais aussi enthousiaste que ne le furent ses aînés. Les atrocités citées par Elie Wiesel ne sauraient être oubliées, mais l'être humain - comme l'humanité - a ses maladies, que l'on soigne et dont on se relève plus fort qu'avant. Il faut se promener dix minutes dans les rues paisibles de mon quartier anderlechtois pour mesurer ce qu'est une société multiculturelle, écouter "Le monde est un village" pour s'émerveiller de tant de musiques devenues familières à nos oreilles, savourer à nos tables le quinoa, le boulghour, le houmous, le couscous, le chili con carne en même temps qu'un lièvre à la gueuze ou une bouillabaisse. Intégrés dans nos vies de manière indélébile, mineurs mais désormais bien enracinés, ces changements multiples de nos quotidiens sont autant de reculs du racisme primaire dont on ne peut que se réjouir et qu'on ne saurait minimiser.  

 
Lu dans:
Elie Wiesel. Coeur ouvert. Flammarion 2011. J'ai Lu Récit 10190. 92 pages. Extrait p. 53

21 janvier 2013

La musique comme on l'aime


"Mon sens de l'ouië
est passé dans celui du toucher
où il apprend à voir."
Paul Celan
Sur une place à Sabadell (Barcelone) se trouve un homme avec une contrebasse. Une petite fille met une pièce dans son chapeau et reçoit en retour beaucoup pour son argent…


20 janvier 2013

Sagesse d'Elie Wiesel


"Ce dernier (Alexandre Zauber), adore me faire rire. À sa première visite, il veut tout savoir de mon accident. Je cite mes différentes fractures et lui, pour chacune, opine du chef en disant: « Cela aurait pu être pire. » J'ai des maux de tête atroces: « Cela aurait pu être pire. » Ma cheville gauche est atteinte: « Cela aurait pu être pire. » Mes genoux sont en flammes: «Cela aurait pu être pire. » Étonné, agacé un peu, à un moment je ne peux me retenir: « Mais enfin, Alexandre, qu'est-ce qui aurait pu être pire? ". Et lui, le visage sérieux, murmure: « Cela aurait pu m'arriver, à moi. » Elie Wiesel

 On le dit triste. Elie Wiesel révèle dans ce court texte un sens de l'humour teinté d'une philosophie douce-amère. Renversé par un taxi, il est opéré de fractures multiples, réconforté par la visite d'amis chers. Rire de soi reste le propre des grands.
 
Lu dans:
Elie Wiesel. Coeur ouvert. Flammarion 2011. J'ai Lu Récit 10190. 92 pages. Extrait p. 62

19 janvier 2013

Sagesse des cartoons


"A ton avis, quel est le plus grand mal de notre époque: l'ignorance ou l'indifférence?
- Je ne sais pas, et je m'en fous."

 

18 janvier 2013

Au moins j'ai essayé


« Si l’on me demandait aujourd’hui : “Qu’avez-vous fait de votre vie ?”, je répondrais : “J’ai compris les autres.” Ou, du moins, j’ai essayé… »
Françoise Giroud

Autoportrait nuancé d'une personnalité plus fragile que ne le laisse supposer son parcours professionnel et politique, écrit au moment où elle tente de se donner la mort au terme d'une rupture amoureuse en 1960. « Moi, je ne m’aimais pas, et lui s’aimait. (..) Il n’y a pas de place pour moi. Ni ici, ni là. Nulle part. Je ne la trouverai jamais, la place où je pourrais poser ma tête… » 
Que celle qui fut directrice de l'Express, ministre sous Giscard, auteure de nombreux livres succès de librairie, ait pu  écrire pareilles lignes démontre une fois de plus la multiplicité de l'âme humaine.

 
Lu dans:
FRANÇOISE GIROUD. Une femme libre. Gallimard 2012. 248 p.
Pierre Maury. Le récit inédit de Françoise Giroud. Le Soir du 18 janvier 2013. p.39

Sagesse amérindienne


"Un vieil indien explique à son petit-fils que chacun de nous a en lui deux loups qui se livrent bataille. Le premier loup représente la sérénité, l'amour et la gentillesse. Le second loup représente l'avidité, la peur et la haine. Lequel des deux gagne, demande l'enfant. Celui que l'on nourrit, répond le grand-père."
Sagesse amérindienne

17 janvier 2013

Sagesse de Lennon


"Quand je suis allé à l'école, ils m'ont demandé ce que je voulais faire quand je serai grand. J'ai répondu: être heureux. Ils m'ont dit que je n'avais pas compris la question, j'ai répondu qu'ils n'avaient pas compris la vie."
John Lennon.
  

14 janvier 2013

L'espace du bonheur


"Je me suis laissé porter par la vague, je me suis allongée et le malaise est passé. Maintenant, je me repose dans un fauteuil en osier. Le monde s'engouffre par les portes de mes yeux, je le laisse entrer et il m'emplit d'une matière aérienne, élastique et douce. Je suppose que c'est le bonheur, cette alliance de la lumière, du son et de la douceur de l'air. Le bonheur dure peu de temps, mais, si on lui en laisse la place, il peut occuper un très grand espace. Le malheur n'est pas le contraire du bonheur. Il n'en est pas le revers, pas plus que la vie n'est une médaille qui présenterait alternativement sa face claire et sa face d'ombre. Le malheur ne s'use pas. Le malheur peut durer longtemps. Mais, si on lui interdit de s'étendre, on arrive à restreindre considérablement la place qu'il occupe. Il faut s'y employer bien sûr un peu sérieusement. Le malheur et le bonheur peuvent cohabiter. Il n'est pas donné à tout le monde de le savoir. Il n'est pas donné à tout le monde de forcer les portes de l'expérience. "
L. Violet et M. Desplechin

 
Lu dans:
L. Violet et M. Desplechin. La Vie sauve. Seuil 2005. 127 pages

Fins de règne


"Ah! que c'est dur de n'être plus rien quand on s'est cru presque tout."
P. Rambaud

La fin des despotes est rarement heureuse, qu'il s'agisse de Napoléon revisitant quotidiennement le déroulement de sa défaite à Waterloo durant son exil à sainte Hélène, d'Hitler dans son dernier bunker fustigeant le peuple allemand "indigne de lui et qui - à ce titre - mérite de disparaître" ou de Mohammed Reza, dernier shah d'Iran fuyant son pays malade et ne trouvant un dernier refuge qu'en Egypte auprès de Sadate, où il meurt quelques jours plus tard. Comme le note Chamfort "ils croient posséder le pouvoir et c'est le pouvoir qui les possède". 


 
Lu dans:
Patrick Rambaud. Tombeau de Nicolas 1er, avènement de François IV. Grasset 2013. 234 pages.
Diane Ducret, Emmanuel Hecht. Les derniers jours des dictateurs. Perrin. 2012; 340 pages. Extraits pp.15, 46, 181

13 janvier 2013

Le prix d'un Goncourt (bis)


« Les Anciens se méfiaient de la réussite non seulement parce qu'ils craignaient la jalousie des dieux mais encore le danger de déséquilibre intérieur lié à tout succès comme tel. »
CIORAN, Aveux et Anathèmes

"Fiers de mon prix Goncourt, ils (mes fils) doivent se dire en leur for intérieur qu'on a couronné un lascar qui cachait bien son jeu. Ils ne se trompent guère. Cette distinction m'allait comme une queue de morue à un garde champêtre. Alors pourquoi donner tant d'importance à cet événement intempestif en lui consacrant ces pages? C'est que j'avais besoin de me mettre à table, de passer aux aveux, d'en finir une bonne fois pour toutes avec le malentendu qui pesait sur ma vie désormais reverdie: ménage de printemps. On en profite pour flanquer à la poubelle toutes sortes de reliques qui encombrent les placards. On ouvre les fenêtres, on arrache les vieilles tapisseries imbibées de nos marasmes et de nos malchances, on reblanchit les plafonds témoins de nos hébétudes. L'air frais a le goût du matin sur la mer. (..) Il m'arrive encore de rêver, l'espace d'un éclair infinitésimal, que je vais subitement me retrouver dans le jardin de Montfort-L'Amaury, juché sur les collines au-dessus de Nîmes, un matin de mai, lorsque l'air présente un versant chaud et un versant frais. Il y aura ma grand-mère sous la tonnelle, en train d'éplucher ses oignons, ma mère jouant les "Scènes d'enfants" de Schumann au piano, mes deux sœurs se chamailleront dans le grenier, le portail grincera, mon père entrera en poussant sa bicyclette. - Il paraît qu'un jeune Nîmois est favori pour le Goncourt - , me dira-t-il en sirotant son Antésite. Mais il ne s'agira pas de moi. " J.Carrière.

Jean Carrière, dans un petit livre de réflexion douce-amère que j'ai retrouvé récemment, règle ses comptes avec "son" Goncourt, expérience déconstructive entre toutes dont il mit des années à se remetttre. Celui-ci fut paradoxalement un succès de vente resté inégalé jusqu'ici, des centaines de milliers d'exemplaires écoulés pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. 

Lu dans:
Jean Carrière. Les cendres de la gloire. Le Prix d'un Goncourt. Ed. JJ Pauvert. 1987. 235 pages. Extraits: Exergue, p.13, pp 234-235

12 janvier 2013

Le prix d'un Goncourt


« Le succès est un malentendu, le pire de tous peut-être. »
Jorge-Luis BORGES

"Une heure de l'après-midi. Armand Lanoux, dans le chahut habituel, annonçait devant les micros et les caméras, en même temps que ma victoire (Jean Carrière a reçu le Prix Goncourt le 21 novembre 1972, pour son livre "L'épervier de Maheux") , une avalanche de déboires dont c'est à peine si je vois la fin. (..) Quand je revois les séquences prises à l'instant où le succès s'abattait sur moi comme un rapace, le malaise que je ressens me montre quelle erreur j'ai commise en ne restant pas terré au fin fond de mon Sud."

 
Lu dans:
Jean Carrière. Les cendres de la gloire. Le Prix d'un Goncourt. Ed. JJ Pauvert. 1987. 235 pages. Extraits: Exergue, p.13

11 janvier 2013

La mélodie de la limaille de fer


"Ainsi préparé, l'invité approche en silence du sanctuaire; s'il s'agit d'un samouraï, il laisse son sabre au râtelier placé sous l'auvent - puisque la chambre de thé est avant tout la demeure de la paix. Ensuite, il se courbe pour se glisser à l'intérieur de la chambre par une minuscule porte d'à peine trois pieds de haut. Imposé à tous les invités, sans distinction de rang, ce procédé avait pour but d'enseigner à chacun l'humilité. Selon un ordre de préséance fixé par accord mutuel durant l'attente sous le portique, les invités entrent l'un après l'autre sans le moindre bruit et ne viennent s'asseoir qu'après avoir contemplé avec déférence la peinture ou l'arrangement floral qui orne le tokonoma. L'hôte, lui, n'entre dans la pièce que lorsque tous les convives y sont installés et qu'un silence parfait y règne, sérénité que seul trouble le frémissement de l'eau dans le chaudron en fonte. Le chant du chaudron est subtil, car on a pris soin d'y disposer quelques morceaux de fer, afin d'engendrer une mélodie particulière où l'on peut reconnaître les échos, assourdis par les nuages, d'une cascade, du lointain déferlement des vagues sur les rochers, d'une ondée balayant une forêt de bambous, ou du soupir des pins sur quelque colline éloignée."

 

Lu dans :
Okakura Kakuzô. Le livre du thé. Ed. Philippe Picquier. 1996. 172 pages. Extrait p. 84

09 janvier 2013

Recherche chambre de thé


"(..) notre méthode de décoration intérieure diffère de celle qui a cours en Occident. Dans les maisons occidentales, nous sommes souvent confrontés à ce qui nous apparaît comme une redite inutile. Par exemple, lorsque nous parlons à un homme qui se tient devant son propre portrait grandeur nature. Nous nous demandons alors lequel est réel, du portrait ou de celui qui nous parle, et nous sommes convaincus - étrangement - que l'un des deux doit être faux. Combien de fois nous sommes-nous assis à une table de fête en contemplant, au grand dam de notre digestion, quelque représentation de l'abondance ornant les murs de la salle à manger? Pourquoi ces tableaux montrant des scènes de chasse, ces sculptures délicates de poissons ou de fruits?  Pourquoi cet étalage d'argenterie familiale, qui
vient nous rappeler les morts qui dînèrent ici autrefois?

La simplicité dévolue à la chambre de thé et son absence de toute vulgarité en font un véritable sanctuaire contre les tourments du monde. Là, et là seulement, nous pouvons nous consacrer sans le moindre trouble à l'adoration du beau. Au XVIe siècle, la chambre de thé offrit aux guerriers et aux hommes d'Etat, qui œuvraient à l'unification et à la reconstruction du Japon, des instants de répit bienvenu au milieu de leurs tâches ardues. Aujourd'hui, et ce sur toute la planète, l'industrialisme rend le véritable raffinement toujours plus inaccessible. Jamais l'homme n'a eu autant besoin de la chambre de thé! "


Lu dans :
Okakura Kakuzô. Le livre du thé. Ed. Philippe Picquier. 1996. 172 pages. Extrait p. 93-95

08 janvier 2013

Sagesse du thé


"Puis on emplit les tasses et l'on boit. 0 nectar! Les petites feuilles membraneuses demeurent suspendues comme des nuages s'écaillant dans un ciel serein ou flottent comme des nénuphars sur un étang d'émeraude. C'est un tel breuvage qu'évoquait Lo Tong, poète Tang, lorsqu'il écrivait: « La première tasse humecte mes lèvres et mon gosier, la deuxième rompt ma solitude, la troisième fouille mes entrailles mises à nu et y débusque mille volumes d'étranges idéogrammes, la quatrième suscite une légère sueur - et tout le noir de ma vie se dissout à travers mes pores. A la cinquième tasse, je suis purifié; la sixième m'expédie au royaume des Immortels. La septième - ah, je ne saurais en absorber davantage! Je sens seulement un souffle de vent frais gonfler mes manches. (..) Ah! Laissez-moi chevaucher cette douce brise et m'envoler loin d'ici! "
Lou Yu. Tch'a king. Le Code du thé.

 
Lu dans :
Okakura Kakuzô. Le livre du thé. Ed. Philippe Picquier. 1996. 172 pages. Extrait p. 46

Quand la science ne fait plus recette


"La France a eu cette année un prix Nobel de physique (Serge Haroche). Quand je lis dans les journaux la liste des choses importantes qui se sont passées en France, il n'y figure jamais. Tout le monde connaît Michael Jackson mais qui connaît Serge Haroche ? Il y a à peine 50 ans, si vous aviez le prix Nobel, vous deveniez immédiatement un héros national; aujourd'hui, cela a disparu du spectacle, comme s'il n'y avait pas de science ..."
Michel Serres

Sur les 10 premiers à se hisser en haut du palmarès des personnalités les plus appréciées des Français, sept d'entre eux sont acteurs et/ou humoristes. L'acteur Omar Sy se plaçe sur la première marche du podium. Le suivent de près Gad Elmaleh, puis Yannick Noah qui atterrit sur la troisième marche, Jamel Debbouze et Jean Dujardin. Simone Veil, Zinédine Zidane et Dany Boon sont eux aussi toujours et là et bien placés. Cette liste récente confirme bien la réflexion de Michel Serres.  

 
Lu dans:
Michel Serres, William Bourton. Nous sommes à l'orée d'un nouveau monde. Le Soir 31.12.2012. p.13 

07 janvier 2013

Un nouveau monde


"Ce n'est pas forcément en regardant la politique et l'économique qu'on a les réponses aux questions qu'on se pose. Nous vivons une bascule entre deux mondes. Et dans cette bascule, je crois que les questions les plus graves se passent ailleurs. Lors des tremblements de terre, on voit des lézardes mais à des kilomètres de profondeur, il y a des plaques tectoniques qui sont la cause de ces séismes. (..) Aujourd'hui, la crise économique, ce sont des lézardes superficielles et contemporaines, mais il y a des causes profondes qui travaillent. Si l'on prend du recul, on s'aperçoit qu'il s'est passé des événements dont on n'a pas beaucoup parlé et qui sont pourtant décisifs. Prenez le nombre des paysans en Belgique ou en France. Il est passé de 70-75 %  en 1900 à 1,8 % en 2000. C'est un événement millénaire. Ce n'est plus le même monde. Si vous regardez l'espérance de vie, vous constatez que, vers les années 1850, elle était de 30 ans pour les femmes alors qu'elle est aujourd'hui de 85 ans. Ce n'est plus la même femme; ce n'est plus le même corps; ce n'est plus le même mariage. Nous étions un milliard lorsque je suis né (1930); on est 6,5 milliards aujourd'hui. Ce n'est pas la même humanité. Jusqu'en 1800, 3 % de cette humanité habitait en ville; en 2050, ce chiffre atteindra 70 %. Là encore, ce n'est plus le même monde." 
Michel Serres

 
Lu dans:
Michel Serres, William Bourton. Nous sommes à l'orée d'un nouveau monde. Le Soir 31.12.2012. p.13 

05 janvier 2013

La voix de la muette


"Ce qu'il y a de bien maintenant, avec la science, c'est que ce genre de personnes, on peut les voir dans le ventre de leur mère et on les tue."
cité par Marie Limet

Marie Limet n'a rien inventé. Tout ce qu'elle partage sur scène, exhibant avec un humour décapant un avant-bras handicapé appareillé dont elle joue avec maîtrise pour interroger et provoquer son public, elle l'a entendu. Comme cette phrase, entendue à une exposition sur Elephant Man: "Ce qu'il y a de bien maintenant, avec la science, c'est que ce genre de personnes, on peut les voir dans le ventre de leur mère et on les tue." On rit, et soudain on se demande pourquoi, puisqu'on le fait. Le rire comme exorcisme de toutes ces évolutions si rapides que nous ne les maîtrisons plus guère.  
 
Lu dans:
Catherine Makereel. Mettons les tabous sur la table. Le Soir 4.1.13. p.29
Marie Limet. Tout le monde ça n'existe pas. Théâtre de Poche, Bruxelles, du 8 au 26 janvier 2013. 

04 janvier 2013

Pétards pleins la fête


Je lui imagine un visage. Il portait peut-être un de ces polar à capuche des gavroches de mon quartier. J'ai cru lire qu'il est mort le soir de l'an en faisant exploser des pétards. Je pense à ses parents, aux nombre de couches-culottes, de réveils la nuit, d'émerveillements des premiers pas, aux premiers septembre, aux 30 juin, aux rêves de diplômes, aux bouderies, aux fêtes des pères, aux noëls aux santons, aux grandes joies et aux vrais rêves pour cet enfant qui les continuerait. Le vacarme dérisoire de la pétarade sans fin ce 31 décembre 2012 de 22h30 à 2 heures du matin n'a désormais plus quitté mes oreilles, pétoire discontinue, dans tous les coins, le feu mis à l'arsenal. Des feux d'artifice de toute taille à 360° autour de la maison, à 100 mètres, à 500, à 2 kilomètres, à 10, comme si on fêtait un millénaire de lait et de miel, la naissance d'un monde neuf paré de toutes les promesses d'une prospérité jamais connue à ce jour, le plein emploi, la fin d'une grande guerre, la survenue de grandes inventions. Chez nos voisins d'outre-Quiévrain, les bengales ne suffisant plus à la fête, on alluma des voitures en batterie: on n'a que les fêtes qu'on se donne. S'il est triste de perdre un enfant à la guerre, le perdre en faisant exploser des pétards pour mimer une fête sans contenu constitue un chagrin dont on ne se remet guère.
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