30 novembre 2010

Lâcher prise

"Je cesse d'espérer et commence de vivre."
Corneille. Place Royale.
... autres mots pour décrire (en 1634) la voie étroite vers le bonheur qui passe par le lâcher-prise, la permission qu'on se donne un jour de ne pas tout prévoir, maîtriser, assumer. Le géant Atlas qui porte le monde cède la place au papillon, tout un programme: le papillon n'est-il rien d'autre qu'une chenille laborieuse (voir le ver à soie) parvenue à maturité.

Pierre Corneille. La place Royale. Gallimard 2003. 229 pages.

27 novembre 2010

"Il était révolté
il voulait tout changer
sauf lui."
A. Romanès
Lu dans :
Alexandre Romanès. Sur l'épaule de l'ange. NRF Gallimard. 2010. 90 pages. Extrait p 41
"La plupart des gens
ne disent pas ce qu'ils pensent.
Et c'est peut-être mieux comme ça."
A. Romanès

Lu dans
Alexandre Romanès. Sur l'épaule de l'ange. NRF Gallimard. 2010. 90 pages. Extrait p 46

22 novembre 2010

Une dernière fois

"Fascinant, le mystère du dernier jour, car il y a nécessairement un dernier jour. Le jour de la clôture des derniers Jeux à Olympie, le jour où pour la dernière fois, du haut des tours de Palenque, les prêtres Maya attendirent le soir pour calculer le chemin des étoiles, le jour du dernier sacrifice à Delphes ou à Machupicchu. Il y eut un jour où un acteur dit un dernier mot sur la scène d'Epidaure, et personne ne pouvait être certain que c'était vraiment le dernier mot, que le silence allait s'installer pour deux mille ans. Et pourtant l'assistance ne le pressentait pas."
T. Maulnier
Lu dans
Thierry Maulnier. L'étrangeté d'être. NRF. Gallimard. 1982.325 pages. Extrait p.149

21 novembre 2010

La langue qu'on aime

"J'aime beaucoup les langues
mais celle que je préfère
c'est la langue des enfants
entre un et cinq ans."
A. Romanès
Lu dans
Alexandre Romanès. Sur l'épaule de l'ange. NRF Gallimard. 2010. 90 pages. Extrait p 35

20 novembre 2010

"La marche est une succession de chutes évitées."
Lu dans
Thierry Delperdange. Le bonheur des uns fait le bonheur des autres. Eranthis. 2010. 180 pages. Extrait p. 98

19 novembre 2010

Etre aimé

"Le sucre n'est pas bon pour les chiens." - "Je men fous, je veux qu'il m'aime."
Lu dans:
Thierry Maulnier. L'étrangeté d'être. NRF. Gallimard. 1982.325 pages. Extrait p.231

18 novembre 2010

La force des groupes

"Le troupeau de bisons - des milliers, des dizaines de milliers de bisons - arrivait au bord d'une falaise. Le premier rang hésitant sans doute devant le vide, tentait de s'arrêter. Mais les autres, qui ne voyaient pas le précipice, continuaient stupidement d'avancer, droit devant eux et d'autres encore, dans le même mouvement aveugle, irrésistible, poussaient ceux qui poussaient et tombaient à leur tour, de sorte que le troupeau entier; solidaire et irresponsable, dans un grand nuage de , meuglements désespérés, de vains piétinements et de poussière allait former au pied de la falaise un grand cimetière de bisons. Tout le troupeau passait ainsi par-dessus bord, sans qu'aucun bison l'eût voulu. "

Sommes-nous certains que telles de nos catastrophes collectives ne ressemblent pas, à cet égard, à celle des bisons? Ceux qui croient mener le jeu poussés un peu plus loin qu'il ne fallait par ceux qui croient les suivre et qui n'obéissent plus en fin de compte qu'à leur propre masse en mouvement?


Lu dans:
Thierry Maulnier. L'étrangeté d'être. NRF. Gallimard. 1982.325 pages. Extrait p.248

12 novembre 2010

Du monstre à la joie universelle

"Les distinctions de genres - romans et histoire, prose et poésie, fiction et essai - sont conventionnelles et n'existent que pour la commodité des bibliothécaires."
S. Leys
C'est ainsi que la lecture des annuaires était une des lectures favorites de Siménon. J'ai pour ma part redécouvert ce soir le récit le plus court et le plus évocateur du retour de Napoléon de l'île d'Elbe, en mars 1814, en parcourant les seuls titres du Moniteur français - journal officiel des pouvoirs publics, alors aux mains de la monarchie française récemment restaurée - :

  • 9 mars : Le monstre s'est évadé de son lieu d'exil.
  • 10 mars : L'ogre corse a abordé au cap Juan.
  • 11 mars : Le tigre s'est montré à Gap. Les troupes avancent de tous côtés pour arrêter sa marche. Il achèvera sa misérable aventure en fugitif dans la montagne.
  • 12 mars Le monstre s'est vraiment avancé jusqu'à Grenoble.
  • 13 mars Le tyran est maintenant à Lyon. La terreur a saisi tout le monde à son apparition.
  • 18 mars: L'usurpateur s'est risqué à approcher à soixante heures de marche de la capitale.
  • 19 mars: Bonaparte avance à marches forcées, mais il est impossible qu'il atteigne Paris.
  • 20 mars : Napoléon arrivera demain sous les murs de Paris.
  • 21 mars : L'Empereur Napoléon est à Fontainebleau.
  • 22 mars : Hier soir, S. M. l'Empereur a fait son entrée publique , il est arrivé aux Tuileries. Rien ne peut dépasser la joie universelle.
Lu dans:
Simon Leys. Le Bonheur des petits poissons. Lettres des Antipodes. JC Lattès. 2008. 212 pages. Extrait p.38
Clément Rosset. Le réel. Traité de l'idiotie. Les Editions de Minuit. 1997/2004. 157 pages. Extrait pp. 96 et 101

De la précarité

"La bonne santé est un état précaire qui ne présage rien de bon."
Louis Hubert Farabeuf

Lu dans:
Simon Leys. Le Bonheur des petits poissons. Lettres des Antipodes. JC Lattès. 2008. 212 pages. Extrait p.38

Armistice

"Je suis. Comment se peut-il que je sois?"
Sans doute y eut-il un effet du vent dans les feuilles ce 11 novembre, l'émotion de fêter l'anniversaire d'une de nos petites-filles, les arômes subtils d'un Margaux et d'un Aloxe-Corton montés d'une cave amie pour améliorer la qualité de conversations qui très vite touchèrent aux essentiels d'une existence: le décès d'un conjoint cher, la maladie, l'affection, le plaisir d'être au monde. Une pensée fugace pour ce grand-père inconnu, revenu gazé des tranchées en 18 et mort bien avant ma naissance m'a traversé l'esprit. On lui avait promis que sa guerre serait la dernière, on ne le croit plus guère. Il est des jours ainsi où on peine à saisir le sens des choses.

Lu dans.
Thierry Maulnier. L'étrangeté d'être. NRF. Gallimard. 1982.325 pages. Extrait p.16

09 novembre 2010

Le Prince

"Il n'est donc pas nécessaire à un prince d'avoir toutes les vertus (..);
ce qu'il faut c'est qu'il paraisse les avoir."
Machiavel, Le prince
Lu dans:
Machiavel, Le prince
En exergue de Qu'est-ce qu'avoir du pouvoir? Charles Pépin. DDB. 2010. 68 pages.

07 novembre 2010

De l'abaissement volontaire

"Les tyrans ne sont grands
que parce que nous sommes à genoux."
La Boétie (1530-1563)

La Boétie. Discours sur la servitude volontaire.
En exergue de Qu'est-ce qu'avoir du pouvoir? Charles Pépin. DDB. 2010. 68 pages.

06 novembre 2010

Le réel et sa représentation

«(..) je ne puis comprendre qu'un monsieur puisse employer trente pages à décrire comment il se tourne et se retourne dans son lit avant de trouver le sommeil.»
« Au bout des sept cent douze pages de ce manuscrit, après d'infinies désolations d'être noyé dans d'insondables développements et de crispantes impatiences de ne pouvoir jamais remonter à la surface, on n'a aucune notion de ce dont il s'agit. Qu'est-ce que tout cela vient faire? Qu'est-ce que tout cela signifie? Où tout cela veut-il mener? Impossible d'en rien savoir ! Impossible d'en pouvoir rien dire! "


Ces commentaires peu acerbes témoignent de l'accueil mitigé unanime réservé par les éditeurs à Proust après lecture de A la recherchedu temps perdu, ce qui l'amena à publier son premier livre à compte d'auteur. Sept ans plus tard, son oeuvre était acclamée de partout. Un an après la naissance de Proust, Claude Monet exposa une toile intitulée Impression, soleil levant. Elle représentait le port du Havre à l'aube, et laissait distinguer, à travers un épais brouillard matinal et une forêt de coups de pinceau d'une rare violence, les contours d'un littoral industriel encombré de grues, de cheminées d'usines et de bâtiments. Pour la plupart de ceux qui la virent, la toile était un fouillis indescriptible. Elle irrita en particulier les critiques de l'époque, qui collèrent au peintre et au groupe hétéroclite auquel il appartenait l'étiquette péjorative d'« impressionnistes», insinuant que Monet maîtrisait si mal les aspects techniques de la peinture que tout ce qu'il avait été capable de produire était un gribouillis enfantin, qui n'avait pas grand-chose de commun avec l'aspect réel de l'aube au Havre. Le contraste avec le jugement du monde de l'art, quelques années plus tard, aurait difficilement pu être plus grand. Il semblait non seulement que les impressionnistes fussent, après tout, capables de tenir un pinceau, mais aussi que leur technique fît merveille pour capter une dimension de réalité visuelle négligée par leurs contemporains moins doués.
Notre notion de la réalité est souvent décalée par rapport à la réalité elle-même, car trop souvent préformée de conceptions inadéquates et trompeuses, à la différence des artistes qui se sont libérés des représentations traditionnelles antérieures pour s'intéresser au plus près à leurs seules propres impressions.

Lu dans:
Alain de Botton. Comment Proust peut changer votre vie. Flammarion 2010. J'ai lu. N° 9399. 220 pages. Extraits pp. 112-114

Les transporteurs de vie

Au fond la vie ne meurt jamais, elle se poursuit ; ce sont les "transporteurs" de vie qui cèdent leur place.
Jacques Mercier
On pourrait ajouter que le choix de ces derniers se fait par loterie... et pourtant on y tient. Thierry Maulnier ajoute que "je suis et n'y suis pour rien. Pour me prêter cette vie que je crois imprudemment être mienne, et pour me la reprendre, on ne m'a pas offert le choix" , même s'il nous reste une (petite) possibilité de choix de ce qu'on peut placer entre ces deux balises.

05 novembre 2010

Le coeur en mire

"Photographier c'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'œil et le cœur."
Henri Cartier-Bresson
Figure mythique de la photographie du xxe siècle, que sa longévité lui permit de traverser, Henri Cartier-Besson a porté son regard sur les évènements majeurs qui ont jalonné son histoire. D'un de ses biographes (Pierre Assouline) on retiendra la jolie expression qu'il fut « l'œil du siècle ».

03 novembre 2010

Rêveillé

"Ceux qui rêvent éveillés ont conscience
de mille choses qui échappent à ceux
qui ne rêvent qu'endormis."
Edgar Poe
Lu dans
Edgar Allan Poe. Eléonora . Histoires grotesques et sérieuses. Folio. Gallimard 1978. 339 pages

02 novembre 2010

Une identité nationale en négatif

"Le fait de ne pas se sentir belge est très belge."
E. Mortier
Lu dans
Erwin Mortier et le destin flamand. Guy Duplat. Découvertes. LLB. 30 octobre 2010. pp 54-55

01 novembre 2010

Jour des morts

"Les morts ne demandent pas d'être pleurés, mais d'être continués."
François Mitterrand

Entre Toussaint et armistice

"Mon père venait du nord
Ma mère vient du sud
Je suis né dans un pays
Grand comme un confetti
Les dunes, un soleil rare
C'est Marijk, on nous sépare
On ne voulait pas que l'on s'aime
Le chagrin d'un belge

De la Venise du nord
Aux corons du sud
J'ai aimé bien des gens
Leurs différences leurs accents
Mais Marijk dans ce pays
En Flandre, en Wallonie
Certains, n'aiment pas que l'on s'aime
Le chagrin d'un belge
(..)
Des fois j'pense à mon vieux
Qu'il soit plus là c'est mieux
Il aurait trouvé la bière
Trop sombre, trop amère ."

Pierre Rapsat. Un dimanche en automne.
Les Toussaints de mon enfance m'apparaissent en quelques semaines devenues aussi irréelles que les deux tours jumelles fumantes du 11 septembre: le partage traditionnel des gauffres légères et chaudes, saupoudrées de sucre impalpable, auquel se voyait ce jour-là convié le curé; la Brabançonne et le drapeau belge honorés à la fin de la messe des morts, cette courte accalmie de recueillement patriotique se terminant le 11 novembre. Images tremblotantes dans le brouillard, devenues tellement évanescentes qu'on a peine à croire qu'elles aient pu exister. Mes petits-enfants fêtent joyeusement Halloween, le Brico Plan-it est ouvert tout le weekend et propose des "soldes à tomber mort". On suppute paisiblement à table les avantages comparés d'un rattachement de la région wallonne à la France ou à l'Allemagne. Le primat de Belgique est sommé par ses ouailles et ses conseillers de se taire jusqu'à Noël, pétition interne et commission d'enquête à la Chambre à l'appui. Eh ben mon vieux, comme dit Rapsat, vaut mieux que tu ne voies pas tout cela...