29 septembre 2010

De l'instruction et de la connaissance

"Mais quand la science ferait par effet ce qu'ils disent, d'émousser et rabattre l'aigreur des infortunes qui nous suivent, que fait-elle que ce que fait beaucoup plus purement l'ignorance? "
Montaigne
Soucieux d'être bien compris, Michel de Montaigne complète son récit par le philosophe Pyrrhon, affrontant une mer déchaînée, qui donnait en exemple à ses compagnons d'infortune un pourceau qui voyageait avec eux, regardant cette tempête sans effroi.

"L'enseignement ne donne que l'instruction; la vie donne la connaissance. L'instruction a au moins cet avantage d'être de la connaissance généralisée, sublimée, et pouvant contenir, sous un petit volume, une grande quantité de notions; mais dans la plupart des esprits, cette nourriture trop condensée reste neutre et ne fermente pas. Ce que l'on appelle la culture générale n'est le plus souvent qu'un ensemble d'acquisitions mnémoniques, purement abstraites et dont l'intelligence est incapable de faire la projection sur le plan de la réalité. Sans une imagination très vivante et active dans tous les sens, les notions confiées à la mémoire se dessèchent dans un sol inerte; l'eau qui les amollit et le soleil qui les mûrit sont nécessaires à la germination des graines. Il vaut mieux ignorer que de savoir mal, ou peu."


Lu dans :
Michel de Montaigne. Essais. Volume 8. Livre 2. Chapitre XII. p.67.
Diogène Laërce. Vie de Pyrrhon. Livre IV. Segment 69
Remy de Gourmont. Le Chemin de velours "La valeur de l'instruction », Paris. Editions du Sandre. 2008. p. 65

24 septembre 2010

Des oiseaux et des mots

"Les miettes de ta jeunesse, qu'en faire ? Les jeter
aux oiseaux ?
Tu peux les jeter aux oiseaux, tu peux les glisser
dans les mots.
Ils s'envoleront joyeux puis reviendront de nouveau
Ailés de la même espérance, les oiseaux et les mots
reviendront.
Et que leur diras-tu alors? Qu'il ne t'en reste
plus rien ?
Cette vérité cruelle, ils ne la croiront pas.
Tard la nuit
Ils attendront à ta fenêtre, frappant le carreau
de leurs ailes,
Jusqu'à ce qu'ils tombent, fidèles. Les oiseaux,
les mots, c'est tout un. "
JULIAN TUWIM (1894-1953)


Poésie douce-amère, que l'on saisit mieux à la lecture de la biographie de son auteur. Tuwin, poète et philosophe polonais, a 45 ans le jour où l'Allemagne nazie envahit la Pologne. Il émigre d'abord, par la Roumanie, en France puis après le capitulation de la France, au Brésil par voie du Portugal et finalement aux Etats-Unis où il s'installe en 1942. Il écrit "Kwiaty polskie" (Les Fleurs polonaises), un poème épique exceptionnel dans lequel il se souvient avec la nostalgie, de sa première enfance dans Ł ó d ź. Tuwim revient en Pologne après la guerre, en 1946. Comme l'écrit joliment Paul Valéry, "le vent se levait et il fallait tenter de vivre".

Eloge modéré du progrès

"Ce que nous appelons progrès n'est que le remplacement d'un inconvénient par un autre."
Havelock Ellis
Plutôt sujet de dissertation qu'opinion partagée, je vous jette ceci à confronter au vécu de votre journée. Il vous restera à cocher ce soir la case 'j'approuve' ou à la nuancer. L'auteur, psychanalyste et ami de Freud, meurt en 39 ce qui n'incitait pas nécessairement à l'optimisme.

Lu dans :
Denis Grozdanovitch. L'art difficile de ne presque rien faire. Denoël 2009. Folio 5112. 355 pages. Extrait pp.106

23 septembre 2010

Les grand tout et le petit rien

"Il existe plusieurs sortes d'actualités: celle du grand temps, des journaux et de l'histoire, qui vocifère à travers la planète et couvre la voix des humains. Et celle d'une espèce de petit temps, qui est le tissu même de nos journées. Il y a le grand temps qui fait des tourbillons; et le petit qui parle à voix basse et marche sur la pointe des pieds; qui est toujours rempli des mêmes choses, habillé d'une étoffe usée. On le prendrait pour une miette du temps qui serait tombée d'une autre époque. Ce qu'on appelle l'inactuel, c'est l'actuel de toujours. Il semble à l'homme que ces deux temps n'aient ni le même grain, ni la même qualité, la même matière, la même couleur, la même époque. Et que le petit temps soit inactuel parce qu'il est l'actuel de la veille. Mais il sera l'actualité de demain."
Alexandre Vialatte
Une de mes patientes décède paisiblement en fin d'après-midi, dans la même maison de repos que celle où s'éteignait Marie il y a deux semaines. Je refais ainsi - quasi à la même heure - à moto le même trajet pour aller accomplir la même besogne, modeste à l'échelle du monde, essentielle à l'échelle d'une cellule familiale éprouvée. Consultations, visites, vaccins, certificats, le tissu même de tous les jours, étranger au calendrier des nations, parfaitement extérieur à la chronologie des journaux télévisés. C'est de l'actualité en vacances, sans début ni fin, faite de tout ce qui se passe quand il ne se passe rien. Rien vraiment? Quand Marie ou Léontine s'éteignent, au terme d'une existence longue de près d'un siècle, quelle accumulation de tendresse, de peurs, d'espoirs elles emportent. La même semaine a vu la naissance de Julien chez des amis chers, l'entrée à la crèche de Jeanne, l'embauche d'une proche pour une fonction inespérée, des projets de vacances et de naissance chez les enfants. Comme le dirait Raymond Devos "trois fois rien, c'est déjà quelque chose", et ce quelque chose suffit à notre bonheur.

Lu dans :
Alexandre Vialatte. Chroniques de la Montagne. Paris Editions Laffont. coll. Bouquins. 2000. 1085 pages

22 septembre 2010

Rites et routines

"Konrad Lorenz, qui passe pour être le fondateur de l'éthologie, observe qu'une colonie d'animaux dont le gîte se situe en un lieu précis et qui a pris l'habitude de rejoindre un point d'eau vital en empruntant un certain trajet - parfois très long et sinueux alors que cette source se trouve presque contiguë à leur gîte - ne modifiera pourtant ce trajet ritualisé qu'au cas où l'un des représentants du groupe, glissant accidentellement le long d'une traînée boueuse, par exemple, et réalisant la proximité du lieu, ouvre pour la communauté ce chemin plus direct. Cependant, la colonie, contrariée dans son rituel, connaît alors une sorte de malaise existentiel et il n'est pas rare qu'après l'avoir adoptée pour un temps, elle abandonne cette commodité pour retourner à ses anciennes habitudes.
(..)
Or on raconte que le professeur Lorenz - qui avait pris l'habitude, marchant à pied depuis son domicile, d'emprunter un certain trajet, assez tortueux, passant par des lieux consacrés qu'il affectionnait, arrivait régulièrement avec quelques minutes de retard à ses cours de l'Institut Max Planck à Munich. Ses étudiants lui suggérèrent un jour un trajet plus direct et plus rationnel qu'il essaya d'adopter jusqu'à ce
que ceux-ci, prenant conscience que le maître devenait de plus en plus maussade et irritable, le persuadent de revenir à son chemin antérieur. Ce sur quoi le professeur recouvra sa bonne humeur coutumière. "
L'histoire est presque trop belle et paraît tirée des douze contes merveilleux de la Reine Fabiola. Il n'empêche qu'elle repose la question des comportements rituels et de nos routines intellectuelles qui, elles, ne prêtent pas toujours à sourire.

Lu dans :
Denis Grozdanovitch. L'art difficile de ne presque rien faire. Denoël 2009. Folio 5112. 355 pages. Extrait pp.143-145

21 septembre 2010

Créer n'est pas trouver

"Il existe trois types de trouvailles: la création (..), l'invention (..) et la découverte. La découverte fait apparaître ce qui était: l'ADN, l'épave du Titanic. L'invention produit ce qui va être (la machine à vapeur, la photocopieuse). et procède parfois par association : celle de la nourriture et du feu a produit la cuisine. La création produit ce qui peut être: Tintin, la Messe en Si de Bach. "

L'invention est protégée par le brevet, la création par le droit d'auteur, mais la découverte? Elle ne devrait appartenir à personne, selon Luc de Brabandere, ne révélant qu'un patrimoine commun mis à jour. On peut vivre sans la Vème Symphonie de Beethoven, penser sans avoir admiré le Penseur de Rodin, qui auraient pu ne jamais voir le jour, alors que le génome humain existe qu'on l'ait décrypté ou non. Mais on peut admirer de la même manière les chercheurs, inventeurs et créateurs de génie.

Lu dans :
Luc de Brabandere, Petite philosophie des grandes trouvailles. Eyrolles. 136 pages.
Jacques Franck. Le mystère des trouvailles. LLB Supplément Lire. 20 septembre 2010. p.4

20 septembre 2010

Sagesse du pêcheur

"Vois-tu fiston, nous sommes la plupart du temps bien plus heureux que nous ne le croyons."
D. Grozdanovitch.
Belle conclusion au terme d'une journée de pêche réunissant un père et son fils, le philosophe et ancien joueur de tennis professionnel Denis Grozdanovitch. Les croissants chauds partagés au lever du jour, la pose des hameçons, les prises heureuses et malheureuses, la friture dégustée du menu fretin sont décrites en quatre courtes pages d'anthologie dont la conclusion m'a fait sourire.
Lu dans :
Denis Grozdanovitch. L'art difficile de ne presque rien faire. Denoël 2009. Folio 5112. 355 pages. Extrait p.21

19 septembre 2010

18 septembre 2010

Le futur du passé

"Dès l'instant où une utopie se voit prise en considération, elle cesse d’être une utopie pour devenir réalité."
E.Bloch
Un dimanche sans voiture.Encore une fois dormir, et le silence reprendra ses droits pour quelques heures, habité par les seuls tintements de sonnettes de vélo et des conversations de citadins redevenus promeneurs. L'avenir balbutie, empli d’incertitudes que le passé n’est pas à la veille d’éclairer. Cette incertitude est rassurante, aucun passé n'ayant ressemblé au nôtre, il n'existe pas de fatalité du futur.
Lu dans :
E. Bloch, Le Principe espérance, Gallimard, 1976

17 septembre 2010

16 septembre 2010

Coupable errance

« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
Lettre de Gustave Flaubert du 12 juin 1867 à George Sand


Comme le note Michel Onfray, les gens du voyage s'inscrivent dans une histoire imaginée aussi vieille que l'humanité: Adam et Eve condamnée à l'errance après avoir croqué la pomme, Caïn après le meurtre de son frère, voué pour l'éternité à cheminer, maudit, aux côtés du Juif Errant et de tant d'autres lépreux de la terre bannis de tout domicile fixe en raison de fautes supposées. "Le paysan fratricide, - toujours Onfray - et le Juif égocentrique rappellent que la condamnation au défaut de domicile fixe accompagne la faute, le péché et l'erreur. Depuis, on associe le voyage sans retour à la volonté punitive de Dieu. L'absence de maison, de terre, de sol suppose, en amont, un geste déplacé, une peine causée à Dieu. Le schéma imprègne l'âme des hommes depuis des siècles: les Juifs, les Tsiganes, les Romanichels, les Gitans, les Bohémiens, les Zingaros et tous les gens du voyage le savent qu'on a tous, un jour ou l'autre, voulu contraindre à la sédentarité, quand on ne leur a pas dénié le droit même à exister. Le voyageur déplaît au Dieu des chrétiens, il indispose tout autant les princes et les rois."

Lu dans :
Lettre de Gustave Flaubert du 12 juin 1867 à George Sand
Michel Onfray. Théorie du voyage. Librairie Générale Française 2007. Le Livre de Poche 4417. 126 pages. Extrait p.13

15 septembre 2010

La force des fêtes

"Le vent d'automne souffle
nous sommes en vie
et nous pouvons
nous regarder l'un l'autre
vous et moi."
Shiki (XVIIIème siècle)


Hier encore, je les laissais comme morts, au fauteuil, au lit, scotchés à leur aérosol. Ce matin, c'est tout un petit monde d'âges divers qui descend notre boulevard vers les rues du centre encombrées de bétail, de bateleurs et de chalands. Appuyés sur leur canne, en chaise roulante, ou en couples amarrés l'un à l'autre, le plus voyant soudé au plus faible, c'est toute une humanité qu'on n'aperçoit jamais au grand jour qui tout-à-coup réapparaît pour une pleine journée. Ils font des rêves de bière à grand collet de mousse, de tartes à la frangipane, de boudin noir et de beignets. Ce jour sera un jour de négation totale des régimes, du bénécol et du bécel, la vie est ainsi: un jour de gras, vingt jours de maigre au diable la médecine. Tout ce qui marche à deux ou quatre jambes, qui rampe, qui avance en se racrapotant forme comme une espèce de longue chenille que rien ne paraît pouvoir arrêter ce mardi de braderie à Anderlecht. Demain il sera encore temps de retrouver les bouillottes et les coussins chauffants.
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14 septembre 2010

Une dictature douce

Dans "De la démocratie en Amérique", Alexis de Tocqueville (180(-1859) décrit cet autoritarisme «plus étendu et plus doux», qui « dégraderait les hommes sans les tourmenter ». Ce nouveau pouvoir, pour lequel, dit-il, « les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas », transforme les citoyens qui se sont battus pour la liberté en « une foule innombrable d'hommes semblables (, .. ) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, ( ... ) où chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée des autres ». Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s'associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à « un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d'assurer leur jouissance (. .. ) et ne cherche qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité, facilite leurs plaisirs. Il ne brise pas les volontés mais il les amollit, il éteint, il hébète.» C'était une sorte de prophétie, mais nous y sommes aujourd'hui, même si l'évocation du "pouvoir immense et tutélaire" fait sourire, une analyse actuelle mettant en évidence que ces mécanismes de pouvoirs sont plus complexes et moins manichéens, - ou pire - qu'au contraire plus aucun pouvoir ne contrôle plus rien.

Lu dans :
Pourquoi l'Europe vire à droite. Raffaele Simone. Le Monstre doux. Le MOnde Magazine. 11 septembre 2010. p.20

12 septembre 2010

La quintessence du rire

"L'homme ne s'amuse jamais autant que de lui-même - c'est-à-dire des autres. Plutôt que le définir comme « un animal qui rit », il serait tout aussi juste de le décrire comme « un animal dont on rit »."
Bergson

Le rire a cessé depuis longtemps d'être le propre de notre espèce. Les chimpanzés, orangs-outans et autres grands singes émettent bel et bien des « grognements de rire ». même si les chemins divergent entre nous quant aux circonstances de leur apparition. Chez les singes, ce comportement apparaît surtout lorsque les jeunes jouent à se pourchasser, à s'attraper et se mordiller - bref: à se battre "pour rire". Il survient aussi lorsqu'on les chatouille, comme une expression d'excitation et de plaisir mêlés ... Mais il ne semble pas que les singes soient moqueurs, ni qu'ils aient recours à l'arme sociale du comique pour affaiblir et manipuler leurs semblables. Chez eux comme chez le (très) petit enfant, le rire, simple et honnête, se passe encore du ridicule. Le rire a somme toute avec l'homme acquis ses lettres de noblesse.


Lu dans:
Se poiler comme un singe. Cathérine Vincent. Le Monde Magazine. 11 septembre 2010. p.14

11 septembre 2010

Nos images reconstruites

"Rien n'est plus vivant qu'un souvenir."
Federico Garcia Lorca
Curieux tout de même d'imaginer qu'avant 2001, penser 11-septembre évoquait les marrons qui jonchaient le sol du Parc Astrid, le marché annuel d'Anderlecht et son concours de bétail envahissant les rues et les placettes. Dans nos fossés et sur nos talus on brûlait des herbages, répandant leur âcre odeur de mousse et de ronces consumées. Les yeux piquaient et pleuraient l'été fini, ainsi qu'une certaine innocence. Une odeur de gravats et de mort y est maintenant associée à jamais, et on brûle des exemplaires du Coran.

09 septembre 2010

La lueur du jour

"Je ne crois à rien
autant
qu'à la fin de la nuit
et à celle du jour."
Abbas Kiarostami.
Marie est morte durant sa sieste. Elle y aspirait, le chemin était parcouru. Elle l'a fait à pied, parfois sur les genoux, maintenant elle peut enfin voler.

Lu dans:
Abbas Kiarostami. Avec le vent. P.O.L. 2002. 248 pages. Extrait p.225.

08 septembre 2010

Des femmes et des chiens

"Mais les chiens
C'est beau comme des chiens
Et ça reste là
A nous voir pleurer
Les chiens
Ça ne nous dit rien
C'est peut-être pour ça
Qu'on croit les aimer."
J. Brel . Les filles et les chiens
A prendre au second degré (voire au troisième) sans doute, mais l'opinion de cet André m'a fait sourire dans l'auto ce matin. Il fait partie de ces célibataires de plus de 50 ans qui préfèrent définitivement (?) les chiens aux femmes car en ce qui concerne ces premiers:
  1. plus vous rentrez tard, mieux ils vous accueillent
  2. ils ne s'inquiètent pas si vous les appelez parfois par un autre nom
  3. ils aiment quand vous laissez traîner plein de choses par terre autour du lit
  4. les parents du chien ne viennent jamais en visite
  5. trouvent normal que vous haussiez la voix pour vous faire comprendre
  6. ne vous font jamais attendre, mais sont prêts 24 heures sur 24
  7. vous trouvent drôle quand vous êtes saoul
  8. aiment la chasse et la pêche
  9. ne vous réveillent pas la nuit en vous demandant "si je meurs, est-ce que tu vas prendre un autre chien?"
  10. s'ils ont des bébés on peut mettre une annonce dans le journal et les donner
  11. se laisseront docilement mettre un collier à clous au cou sans vous traiter de pervers
  12. ne s'offusquent pas s'ils reniflent sur vous l'odeur d'un autre chien mais trouvent cela intéressant
  13. s'ils vous quittent un jour n'emportent pas avec eux la moitié de votre ménage
Oufti. En voilà un qui semble parler d'expérience.

Entendu sur "Tout autre chose", La Première, 8.9.10 (10-11h), Le célibat après 50 ans

07 septembre 2010

Sagesse des mythes

"Rien n'est humain qui n'aspire à l'imaginaire."
Romain Gary

Une nuit de mai 82, Romy Schneider meurt dans son appartement parisien, par accident ou par suicide. Elle a 43 ans. Le juge d'instruction décide de ne pas demander d'autopsie, "ne pouvant se résoudre à envoyer Sissi à l'Institut médico-légaL" Ce qui en d'autres circonstances passerait pour une faute professionnelle, lui est pardonné tant est puissante la force des mythes.

Lu dans:
Nancy Huston. L'Espèce fabularice. Babel. 2008. 198 pages. Exergue.

06 septembre 2010

Sagesse de l'errance

"J'avance (..)
Mes chaussures sont ma patrie."
A Jodorowsky

Lu dans :
Pierres du Chemin. Alejandro Jodorowski. Le Veilleur & Maelström. 2004. 140 pages. Extrait p.19

02 septembre 2010

L'immense beauté du monde

"Il est plus de merveilles en ce monde que n'en peuvent contenir tous nos rêves."
S. Tesson citant Shakespeare
Si l'année a repris, les images de vacances ne sont jamais loin. Comme celle d'Izumi Tateno, le pianiste japonais et ses cinquante années de carrière, jouant à Saint Félix-Lauragais devant un public conquis dans un vieux cellier aménagé pour la circonstance. Victime en scène à la fin d'un récital d'une attaque cérébrale qui le laisse paralysé du côté droit, il a repris sa tournée en jouant seulement avec sa main valide. Un nombre de nouvelles œuvres ont été écrites pour lui par des compositeurs japonais, finlandais, argentin, contemporains qui ont été touchés par son énergie. Moment magique d'une rencontre entre un vieil homme ému et son public fidèle pour lequel il a traversé l'océan, partageant sa musique tard dans la nuit.

Autre jour, autre émotion. Recevoir comme un cadeau le jeu intimiste de l'organiste Fernande Desplats, titulaire de l’orgue de Saint Félix (1781, restauré en profondeur il y une vingtaine d'années) sur lequel elle veille avec un soin jaloux. Elle nous a concocté une visite privée, gratuite sur une simple demande, de l'instrument endormi dont l'histoire raconte celle de la France. Un monceau de partitions d'époque débordent négligemment d'une banale armoire en bois vermoulu, n'intéressant personne. Se trouver seuls face à tant de beauté fait frissonner, tout comme l'interprétation qui nous sera faite ensuite de la cantate BWV 147 - Jésus que ma joie demeure de JS Bach. Elle propose de descendre dans la collégiale, de nous placer à un endroit précis devant le choeur et de laisser parler en nous le silence. Jamais silence ne fut rompu par une beauté si intense, interprétée par une âme pure et passionnée qui miraculeusement a croisé notre route.

Ce soir je relis Sylvain Tesson décrivant ces nomades "sans tarentelle ni transhumance, qui ne conduisent pas de troupeaux et n'appartiennent à aucun groupe mais qui se contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes et parfois en eux-mêmes. On les croise sur les chemins du monde. Ils vont seuls avec lenteur sans autre but que celui d'avancer dans le sillon de leur passion". Quelle merveille que d'en rencontrer.

Lu dans:
Sylvain Tesson. Petit traité sur l'immensité du monde. Editions des Equateurs 2005. 170 pages. Extrait pp 14 et 100

Beau au crépuscule

"Dans son fameux jardin blanc, Vita Sackville-West se promenait le plus souvent au crépuscule ou sous la lune.
Ce mélange de fleurs blanches et de feuilles argentées paraît, en effet, plus grandiose encore sous la lune que sous le soleil."

Les crépuscules de la vie recèleraient eux aussi bien des merveilles. J'ai vu ce matin une patiente, alitée depuis une semaine par un méchant mal au dos, pleurer de bonheur en évoquant les soins que lui prodiguait son mari. Soixante-huit ans de mariage, non exempts de coquineries et de sensualité évoquées sans honte, ont rendu les gestes les plus anodins lourds d'une tendresse infinie. J'ai posé ma trousse sur le lit, écouté plus longuement que de coutume et pris une solide leçon de vie.

Lu dans:
Le chant des couleurs. Momento La Libre 28 août 2010. page 7.

Le meilleur de septembre

"Déjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis;
Soir et matin, la brise est fraîche,
Hélas les beaux jours sont finis !"
Théophile Gauthier, Emaux et camées, 1852.
Une âcre odeur de broussailles brûlées réveille soudain en moi une moisson d'images de premier septembre. Hier matin les brumes au sol dans le Brabant flamand m'ont dessiné le plus beau des levers de soleil qu'il m'ait été donné d'admirer ces deux derniers mois. Une cloche sonne la fin des vacances, j'ai à nouveau cinq ans et demi et découvre ébahi une cour concentrationnaire: mon collège pour douze ans. L'aurai-je aimé? Je ne puis toujours le dire un demi-siècle plus tard, mais ce premier septembre signera à jamais la fin d'une insouciance. Bon anniversaire de 50 ans à ma soeur Anne, dont notre papa nous apprit la naissance au retour du premier septembre 1960: cette année scolaire-là ne serait pas comme les autres, et c'est sans doute ce jour-là que j'associai définitivement le parfum des herbes mortes se consumant à l'image du bonheur.