31 octobre 2010

Entre ciel et terre

"C' est un citoyen de la terre en liberté et en sûreté car il est attaché par une chaîne assez longue pour lui donner libre accès à tous les espaces terrestres, mais assez courte pour que rien ne puisse l'entraîner au-delà des limites de la terre. Dans le même temps, c'est aussi un citoyen du ciel en liberté et en sûreté car il est aussi attaché par une chaîne calculée de même à partir du ciel. Se dirige-t-il vers la terre, le collier du ciel l'étrangle, se dirige-t-il vers le ciel et c'est celui de la terre. Et pourtant toutes les possibilités lui sont ouvertes, il le sent, et même, il refuse d'imputer cette situation à une erreur lors de l'arrimage initial. "
Kafka
Les termes "ciel" et "terre" ont pris un délicieux parfum d'ancien, mais l'ambivalence de nos comportements et aspirations est bien actuelle.

Lu dans:
Les aphorismes de Zurau. Franz Kafka. Gallimard. 2010. 142 pages. Extrait p.78

30 octobre 2010

L'immortalité des ailes

" Soyez comme l'oiseau, posé pour un instant
Sur des rameaux trop frêles,
Qui sent ployer la branche et qui chante pourtant,
Sachant qu'il a des ailes »
V. Hugo
Ce soir ces mots m'emplissent d'une infinie mélancolie. René, l'ami de toujours, à la discrétion légendaire, le confident qu'on aurait cru avant même qu'il parle, s'est éteint. Dans le silence de mon bureau entouré par la nuit je le revois avec Odette il y a quarante ans nous confier leur fils aîné pour une première réunion louveteau. Ou vingt ans d'amitié plus tard, deux jours après Noël, au retour du film "Le mari de la coiffeuse", sonner à ma porte car il resssentait une douleur bizarre dans la poitrine. Les années passent vite au peigne de l'amitié, entrecoupées de réunions, de promenades, de pots de bière à la mousse fraîche, de rires fous et de danses des canards, images aux tons pastels devenus soudain sépia. Petits bonheurs sans prix, entrecoupés de quelques misères, sans lesquelles un ami médecin perd sa raison d'être, que tout cela a passé vite.

Une voix a capella rompt ce silence et ma rêverie. Graëme Allwright égrène "une belle journée quand cette vie s'achève / J'm'envolerai / Vers un merveilleux pays de rêve / J'm'envolerai volerai. J'm'envolerai tout là haut / J'm'envolerai comme un oiseau / Quand je meurs, alléluia tout à l'heure / J'm'envolerai volerai."
Ciao René, la vie est belle.

Lu dans :
Victor Hugo. Les Chants du crépuscule. cité dans Bertrand Leclair. Petit éloge de la paternité. Folio 5126. Gallimard 2010. 112 pages. Extrait p.68.
Graeme Allwright. J'envolerai. Ecouter: http://www.deezer.com/listen-7125286

29 octobre 2010

Re-naissance

"Si elle est dite maternelle, la langue, ce n'est pas parce qu'elle est transmise par la mère (..) , mais parce qu'elle nous met une deuxième fois au monde."
B. Leclair
Lu dans
Bertrand Leclair. Petit éloge de la paternité. Folio 5126. Gallimard 2010. 112 pages. Extrait p.83.

28 octobre 2010

La Reine des lectrices

"On n'écrit pas pour rapporter sa vie dans ses livres, mais pour la découvrir."
A Bennett
Il faut imaginer la reine d'Angleterre coucher cette phrase dans le journal qu'elle tient depuis qu'elle a découvert le plaisir de la lecture. Il faut imaginer les immenses territoires de rêve, d'aventures, de regrets qu'elle parcourt avec une passion attisée par la vie qui avance à grands pas. Il faut imaginer la reine abdiquer pour avoir davantage de temps pour vivre.
Une savoureuse fiction découverte hier, courte et dense, qui pose à chacun de bonnes questions sur sa propre existence.

Lu dans: Alan Bennett. La Reine des lectrices. Folio 5072. Denoël 2009. 125 pages. Extrait p.103

27 octobre 2010

Sagesse de l'escalier

"Du point de vue même de l'escalier, une marche que les pas n'ont pas profondément creusée n'est qu'un méchant assemblage de bois."
F. Kafka
A quoi sert une marche? Un enfant de trois ans répondra à cette question: à être usée. A celle de savoir à quoi sert un homme, la réponse est déjà moins évidente. Mais l'aphorisme de Kafka nous fera contempler d'un oeil différent nos rides, nos poches et la fatigue de notre visage dans le miroir le matin au lever.

Lu dans:
Les aphorismes de Zurau. Franz Kafka. Gallimard. 2010. 142 pages. Extrait p.72

25 octobre 2010

A table

"Le moment de la dégustation est exactement un rêve dans la nuit de la bouche.
Et dans le moment de la saveur, il n'y a plus ni vieux ni jeune, ni adulte ni enfant, ni grand ni petit, ni premier ni dernier, ni rien qui sépare ni rien qui divise.".
G Polet
Il m'a été dit ce weekend que la table de Talleyrand est devenue célèbre au cours des négociations du Congrès de Vienne qui ont suivi la chute de Napoléon. Une table raffinée au service de défis diplomatiques complexes, à base de produits de saison, sauces simplifiées avec peu d'ingrédients, herbes et légumes frais mitonnés par le chef Marie-Antoine Carême (!) . Talleyrand vaincu aux côtés de Napoléon y préserva l'unité de la France et emmena la table des repas en trophée dans sa propriété de Valençay.

Lu dans:
Grégoire Polet. Petit éloge de la gourmandise. Folio 5128. Gallimard 2010. 104 pages . Extrait p. 92

24 octobre 2010

Mon alter ego

"Enigme : Je suis son maître et il est le mien, il est objet dont je suis le sujet, il est moi et il est autre, se prêtant à ma vie et vivant d'une vie indépendante, il ne voit que par mes yeux et je ne vois que par les siens, il est ma propriété et ma prison. Il est mon propre corps. Qui de nous deux appartient à l'autre?"
Thierry Maulnier. Le dieu masqué. NRF. Gallimard. 1985. 340 p; extrait p. 51

23 octobre 2010

Le fauve, le roux et la sanguine

"Couleurs de l'automne: le roux, le fauve, le feu, le grège, l'or, la sanguine, l'auburn, le caramel, la garance, l'alezan, la châtaigne, le havane et l'amarante, couleurs languides (*) qu'elle aimait tant."
J Garcin
Recettes pour apprécier l'arrière-saison: énumérer toutes ses couleurs et les différencier en parcourant le Littré (auburn: châtain ou brun avec des reflets de roux, en parlant de cheveux; garance: plante dont les racines pulvérisées fournissent une belle couleur rouge; alezan: en parlant d'un cheval, rouge teinté de brun plus ou moins foncé). Faire la paix dans la pièce où l'on se réchauffe, dans nos paysages familiers, dans sa vie. Poser son regard sur un visage aimé, une haie de bouleaux, des crinières au vent, un album de photos jaunies. Tendre l'oreille quand le disque se termine et que le silence est rendu au vent qui siffle et la flambée qui crépite, écouter Barbara nous parler de nous : si mi la ré sol do fa..

Lu dans:
* Languide : se dit d'un paysage animé par le vent. "Plantes, arbres géants, atmosphères languides,/Cieux d'opale et toi,mer, de ton mystère avide,/Que mon âme, de vous, pourra-t-elle s'emplir." Jeanne Boujassy. Méditation devant la mer La Parenthèse n°3 du 15 décembre 1930
Jérôme Garcin. Barbara, claire de nuit. Folio. 3653. La Martinière 1999. Gallimard 2002. 170 pages. Extrait page 14

22 octobre 2010

Une lueur dans les ténèbres

"... la couleur des ténèbres à la lueur d'une flamme"
Tanizaki Junichiro
La couleur de l'obscurité? Une couleur que découvre un jour le poète et romancier japonais Tanizaki Junichiro qui a construit dans la solitude une œuvre rare en hommage à la beauté du noir. "J'ai aperçu, une seule fois, certaine obscurité dont je ne puis oublier la qualité. C'était dans une vaste salle qu'on appelait, je crois, la "Salle des pins", détruite depuis par un incendie; les ténèbres qui régnaient dans cette pièce immense, à peine éclairée par la flamme d'une unique chandelle, avaient une densité d'une tout autre nature que celles qui peuvent régner dans un petit salon. (..) Retombait, comme suspendue au plafond, une obscurité haute, dense et de couleur uniforme, sur laquelle la lueur indécise de la chandelle, incapable d'en entamer l'épaisseur, rebondissait comme sur un mur noir: (..) la couleur des ténèbres à la lueur d'une flamme"? Elles sont faites d'une matière autre que celle des ténèbres de la nuit sur une route, et si je puis risquer une comparaison, elles paraissent faites de corpuscules comme d'une cendre ténue, dont chaque parcelle resplendirait de toutes les couleurs de I'arc-en-ciel."

Superbes lignes, reprises par Gabriel Ringlet et que j'aimerais faire miennes ce soir, si j'en avais le talent. Les métiers d'accompagnement, et le mien en est un, souffrent d'une modestie de moyens qui peut aisément mener à une forme de désespérance: tant d'énergie déployée, tant d'espoirs en permanence anihilés par la déchéance et la mort à terme, "tout ça pour ça..". A moins de se raccrocher à l'image de cette humble mèche dont la lueur rebondit sur les murs, danse dans l'obscurité et en éclaire jusqu'aux dernières particules. Chaque ténèbre est unique, et en une seule journée j'en aurai croisé au moins une dizaine, morales, physiques, spirituelles, d'abandonnement, de vide ou de trop-plein, tout est souffrance quand se perd le sens d'une existence. A moins que... La description de la couleur des ténèbres à la lueur d'une seule modeste flamme me permet d'imaginer Sisyphe heureux.

Lu dans :
Tanizaki Junichiro, Éloge de l'ombre, Paris, Publications orientalistes de France, 1993, pp. 86-87.
Gabriel Ringlet. Ceci est ton corps. Albin Michel. 2008. 235 pages. Extrait p.214.

21 octobre 2010

"Une cage s'en fut chercher un oiseau"
F. Kafka

Lu dans
Les aphorismes de Zurau. Franz Kafka. Gallimard. 2010. 142 pages

20 octobre 2010

Un soir un train

"Un train s'arrête puis, laconique, ce message tombe: "Incident de personne."
E. Pessan
On peut imaginer que pour une personne au moins, l'instant est critique. Tout fascine dans cette courte phrase: le souci de ne pas "heurter les sensibilités" par l'utilisation de termes neutres (incident versus accident, personne - terme générique entre tous, pouvant même aller jusqu'à nier une existence réelle si on retient sa signification finale "personne-rien"), sa brièveté, la capacité d'anticipation de ce qui peut se passer ensuite. On évoque aussitôt le film magistral "Un soir un train" de Delvaux et son train mystérieux stoppant la nuit en pleine campagne, ou le tout récent livre d'Eric Pessan. Un TGV freine inopinément, l'obscurité tombe progressivement, plongeant ses occupants dans un huis clos entre chien et loup que les langues vont délier, cousu de récits de vies d'autant plus intimes qu'une sourde angoisse empreint les usagers. La frontière entre le drame individuel, sa traduction aseptisée pour la société qui y assiste (La chute d'Icare de Breughel peignant une seule main surnageant des flots alors que le laboureur poursuit sa tâche inlassablement ne dit rien d'autre) et la brèche que cet accident inattendu ouvre dans nos existences demeure un étonnant sujet de réflexion pour les artistes.

Lu dans
Incident de personne. Eric Pessan. Albin Michel. 192 p

18 octobre 2010

La prison du moi

"Lear, apprends à mieux voir."
W. Shakespeare.
C'est l'histoire d'un père qui rentre de la guerre où il a passé de longues années. Quand il revient chez lui, il trouve ses enfants à la maison qui n'ont cessé de l'attendre, sont fous de bonheur et lui font fête. Mais la mère n'est pas là. Le prisonnier parvient à se convaincre qu'elle lui a été infidèle. Il reprend le chemin de la gare, suivi de ses enfants en pleurs qui lui jurent que leur mère travaillait pour subvenir à leurs besoins, et qu'elle a, elle aussi, passé toutes ces années à pleurer et à l'attendre. Le train arrive en gare. Il monte, et les petits courent en pleurant après le train qui s'en va. Le soldat ne peut plus quitter sa prison intérieure. La loyauté, l'amour, la chaleur d'un foyer lui sont interdits après les violences de la guerre. Au retour impossible à la liberté et à la vie antérieure, il préfère le retour au malheur de la solitude et de l'enfermement.

Fiction? La nouvelle de Platonov (Le Retour) est sans doute plus réelle que les récits de survivants qui souvent se sont tus sur ces drames vécus. L'enfermement parfois était facilité par une réalité plus évidente que dans le récit de Platonov. Un de mes patients revint de captivité le coeur plein de craintes et de joie. Sonnant chez lui, il entrevit que dans son fauteuil était assis son meilleur ami. Il fit demi-tour sans même entrer et s'en souvenait encore après un demi-siècle d'errance. Ce matin même, une patiente octogénaire me confiait qu'il est aujourd'hui difficile d'imaginer tout ce qui put se passer durant les quelques semaines qui suivirent la libération et le retour des camps, période troublée où tous les critères moraux volèrent en éclat, ouvrant la boîte de Pandore des passions humaines soudain déchaînées. Elle-même "s'enfuit", me dit-elle, au bras d'un bel Italien avec qui elle vécut huit ans de vie conjugale sans histoire ... pour l'abandonner sans raison valable aussi soudainement qu'elle l'avait suivi. Cinquante ans plus tard, elle ne comprend toujours pas.

Lu dans :
Thérèse Delpech. L'appel de l'ombre. Grasset. 174 pages. Extrait p 151

17 octobre 2010

L'ombre de soi

"Je ne serai jamais ni l'ombre d'un homme
Ni le pâle reflet d'un autre que moi
Je suis toutes mes failles mes blessures et mes fautes
Je suis ce que tu vois

Je ne serai jamais le héros de tes fables
Ni ce beau chevalier dont tu rêves parfois
Si je dresse mes bras en murs infranchissables
Tu vois je ne suis, je ne suis que moi (..)

Mais je pourrais ma belle si tu le demandais
Décrocher les étoiles, te couvrir de soie
Faire enfin de mes bras le plus beau des palais
Mais je ne serai jamais, jamais que moi"

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

Patrick Fiori. Je ne serai jamais.


Les frontières de l'ombre

« Enfants d'Eve, contentez-vous de c'est ainsi.»
Dante
Octobre, mois des Nobel, me confronte annuellement à mon ignorance des avancées des connaissances. Dans leurs domaines d'attribution respectifs, chaque prix, et les découvertes scientifiques récompensées, étendent les frontières de mon incompréhension. Il me reste la possibilité de glaner à cette occasion des pistes nourrissant davantage ma rêverie de l'univers invisible que mon intelligence. La constatation désabusée de Dante dans Le Purgatoire rejoint celle de Richard Feynman, théoricien de la mécanique quantique et prix Nobel de physique en 1965, qui note: "Si vous admettez simplement que la nature peut se conduire ainsi, vous trouverez qu'elle est une chose merveilleuse. Mais ne vous demandez pas: "comment peut-il en être ainsi ?", parce que vous vous engagerez dans une allée sombre dont personne n'est jamais revenu.»

Dante. Le Purgatoire.
Thérèse Delpech. L'appel de l'ombre. Grasset. 174 pages. Extraits p 157, 158.

15 octobre 2010

Eclats de vérité

« La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé.
Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve »
Djalâl ad-Dîn Rûmî (1207-1273)
Cité par Jamel Balhi, Les routes de la foi, Le Cherche-Midi Éditeur, 1999, p. 292

Les échéances

"Mort : échéance de fin de moi."
Sagesse des mots croisés

13 octobre 2010

Sagesse du lâcher prise

"Je ne me suis pas lassée
de ce que je n'ai pas atteint."
Louise de Vilmorin. Plus jamais.
Jour de grisaille, rien ne tourne vraiment rond dès le lever. Je découvre quotidiennement que nos frustrations sont une chance, ces "bouts de nuit dans le jour", "ce bruit dans le silence", agaçants, détrompant avec malice notre souhait de tout gérer, prévoir, codifier, maîtriser. L'apprentissage du lâcher prise est une voie de sagesse.

Lu dans :
Le grand large du soir. Julen Green. Flammarion. 2006. 398 p. extrait p.224

Les mains dans le cambouis

"Ce qui fait un bon électricien, c'est la différence entre la lumière et l'obscurité."
M.B. Crawford

A lire si vous vous posez des questions sur le sens de votre activité professionnelle, le récit de récit de l'étonnante reconversion professionnelle de Matthew B. Crawford. Universitaire, employé dans un think tank à Washington, il démissionne au bout de quelques mois pour ouvrir un atelier de réparation de motos et nous livre une réflexion fine sur le sens et la valeur du travail. Le travail intellectuel, isolé de la réalité, est-il susceptible d'apporter le bonheur ou au contraire déresponsabilise-t-il ceux qui y consacrent le meilleur de leurs journées? De manière très fine, l'auteur restitue l'expérience de ceux qui, comme lui, s'emploient à fabriquer ou réparer des objets - ce qu'on ne fait plus guère dans un monde où l'on ne sait plus rien faire d'autre qu'acheter, jeter et remplacer. Il montre que le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d'un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'« économie du savoir ».

Lu dans:
Matthew B. Crawford. Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail. La Découverte. 2009. 250 pages. Extrait page 238.

10 octobre 2010

Heureux en automne

"C’est en automne qu’on fait le printemps. "
Il se cache dans certains jours d'automne une tiédeur, une complicité avec la nature et une intensité des couleurs qui réconcilient avec la vie. Le jardin panse ses plaies causées par la sécheresse ou les pluies diluviennes et se laisse gâter par cette douceur ambiante qui gagne. La saison est pleine de promesses pour autant qu'on redonne un coup de tonte, de bèche et de binette: l’année commence vraiment en ce moment et non au printemps. C'est l'heure des rêves et des projets d'embelllissement, d'essais de nouvelles espèces, de nouveaux emplacements.

D'où vient-il dans cette splendeur, qui s'inscrit avec tant de force dans le temps circulaire, que l'automne suscite parfois en nous une sourde mélancolie? Comme le suggère Eric de Bellefroid, la saison est souvent ressentie comme le temps de toutes les ruptures, des pourritures et moisissures nécessaires, en vue des reviviscences d’un nouvel avril. Si le grain ne meurt ... Sans doute, mais si ces deuils annoncent une renaissance, qui s'en souciera? L'identification séculaire entre l'été indien et les saisons de notre propre passage sur terre - croissance, maturité, sénescence, mort - apparaît comme une explication autrement plausible à l'anxiété diffuse qu'il inspire. A la différence de l'automne météorologique, celui de notre vie ne débouche sur aucun printemps, et nous confronte au doute: se pourrait-il que cette splendeur mordorée des feuilles qui tombent ne reverdisse plus...

Le plus bel automne peut nous rendre heureux, mais pas vraiment joyeux. Il faut se nommer Verlaine pour relever que " le soir tombait, un soir équivoque d’automne / les belles, se pendant rêveuses à nos bras, / dirent alors des mots si spécieux, tout bas, / que notre âme, depuis ce temps, tremble et s’étonne."

Lu dans :
Plaisirs d’automne. Marie Noëlle Cruysmans et Marie Pascale Vasseur. Momento. La Libre Belgique. 9.10.10. p.8
Rendez-vous avec les soleils couchants. Eric de Bellefroid. Momento. La Libre Belgique. 9.10.10. p.3
Paul Verlaine. Fêtes galantes. L. Vanier, 1896 - 60 pages

09 octobre 2010

Te voilà mon amie

"Te voilà mon amie
si belle
te voilà si belle
derrière ton voile
tes yeux oh des colombes."
L'Ecclésiaste
Si votre compte Facebook vous accueille , comme il m'est arrivé , par un invariable "Carl Vanwelde n'a pas d'amis", il existe désormais une alternative: louer un ami pour la soirée. Rentafriend.com propose un concept simple: la location d'ami(e)s, à l'heure, à la journée, à la soirée. Le site, américain d'origine, étend progressivement ses activités au monde entier. Comme le répète inlassablement un de mes vieux patients, ce dont la location d'un appartement vous protège, ce sont les tracas liés à son entretien, les frais cachés et la contrainte. Sûr que sa démonstration en convaincra plus d'un en ce qui concerne l'amitié.

Le Poème, traduction du Cantique des cantiques par Olivier Cadiot et Michel Berder. La Bible Bayard. 2002. 78 pages. Extrait p.30
www.rentafriend.com

08 octobre 2010

L'essentiel et l'accessoire

"J'ai claqué l'essentiel de mon fric dans les femmes, l'alcool et les bagnoles. Le reste, je l'ai gaspillé."
George Best.

07 octobre 2010

Comme une chambre mal rangée

"L'histoire humaine (..) un récit raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien."
W. Shakespeare
La réflexion du vieux William fait sourire quand on parcourt les nouvelles de Belgique et du monde, entre café et journal. Elle fait écho à une carte blanche de Gunzig et aux confidences d'un proche de M. De Wever qui ne peuvent se résoudre à l’existence d'un grand complot, qu'il soit mondial ou belge, d’une grande manipulation savamment orchestrée par des réseaux qui nous dépassent. "Quand je regarde le monde, je ne vois qu’un grand bordel, la chambre mal rangée d’un enfant perturbé. Que je me retourne sur l’Histoire, je n’y vois qu’une accumulation de braquages ratés, de rêves, d’ambitions, de fantasmes, de désirs entrant en collision les uns avec les autres et au final, s’annulant à plus ou moins long terme. (..) Cela dit, ça ne me fiche pas moins la trouille qu’un grand complot. Bien au contraire. "

Lu dans:
Thomas Gunzig. L’ordre et le chaos. Le Soir du mercredi 6 octobre 2010.

06 octobre 2010

Une belle fin d'été

"Colchiques dans les prés
fleurissent fleurissent
Colchiques dans les prés
C’est la fin de l’été."
Une petite fleur d'automne nous est née chez Laurence et Pascal. On l'appelle Prielle, qui signifie joliment "don de l'amour" ou "don de Dieu" selon les sources: bien vu, être nommé "don de.." ne nuit jamais. Assister à cette éclosion laisse rêveur, car à la différence du destin de la colchique, tout reste ici à écrire: tant de personnes à aimer, tant de mots à dire, de choses à découvrir jour après jour. Quelle place occupera-t-elle dans notre existence, bonheur et malheur confondus? L'incertitude d'une naissance demeure un des grands mystères de ce monde.

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

Lu dans:
Colchiques dans les prés, paroles et musique de Francine COCKENPOT (modeste Guide de France à l'époque), puis chantée par Francis Cabrel en 1977

05 octobre 2010

Souriez vous êtes heureux

«Autrefois les hommes chantaient en coeur autour d’une table ; maintenant c’est un seul homme qui chante, pour la raison absurde qu’il chante mieux. Si la civilisation l’emporte, bientôt un seul homme rira, parce qu’il rira mieux que les autres.»
Gilbert Keith Chesterton
Ceci dit, il importe aussi de lutter contre la tyrannie du rire convenu. On peut être heureux et concentré sur sa tâche, le rire n'est qu'une expression de la joie parmi d'autres, culturellement la mieux admise. D'où la scène finale du film La 25e heure où la presse intime à Anthony Quinn et Virna Lis, réunis après dix années de séparation et de camps : "montrez que vous êtes heureux, souriez, souriez". Clap générique final. Soufflant souvenir qui me revient soudain, avec l'envie de revoir le film.

Souriez vous êtes heureux

«Autrefois les hommes chantaient en coeur autour d’une table ; maintenant c’est un seul homme qui chante, pour la raison absurde qu’il chante mieux. Si la civilisation l’emporte, bientôt un seul homme rira, parce qu’il rira mieux que les autres.»
Gilbert Keith Chesterton
Ceci dit, il importe aussi de lutter contre la tyrannie du rire convenu. On peut être heureux et concentré sur sa tâche, le rire n'est qu'une expression de la joie parmi d'autres, culturellement la mieux admise. D'où la scène finale du film La 25e heure où la presse intime à Anthony Quinn et Virna Lis, réunis après dix années de séparation et de camps : "montrez que vous êtes heureux, souriez, souriez". Clap générique final. Soufflant souvenir qui me revient soudain, avec l'envie de revoir le film.

03 octobre 2010

C'est pour du rire

"Reprenant mon vélo, hier soir, et longeant les grilles de Roland-Garros, je parvins à la partie des jardins où demeurent des courts de location municipaux et mon attention fut attirée par les éclats de rire et les exclamations joyeuses de deux jeunes joueurs en train de se renvoyer la balle assez maladroitement. Je pris conscience que cela faisait plusieurs heures que je n'avais entendu ni entrevu quiconque rire sur un court de tennis ! "
Denis Grozdanovitch
Denis Grozdanovitch, ancien joueur de tennis professionnel lui-même (champion de France junior en 1963) aurait-il la nostalgie de cette "insoutenable légèreté de l'être" (du roman éponyme de Kundera) qui se perdrait avec l'âge et les enjeux? Enfants, nous en avions déjà bien saisi la portée quand nous édictions doctement "cette fois, c'est pour du rire" avant les parties où nous voulions vraiment nous éclater, annonçant un définitif "maintenant c'est pour de bon" quand nous estimions qu'il était temps d'en découdre. Depuis, c'est souvent "pour de bon", à Roland-Garros comme ailleurs.
Lu dans:
Denis Grozdanovitch. L'art difficile de ne presque rien faire. Denoël 2009. Folio 5112. 355 pages. Extrait p.278

02 octobre 2010

Le pardon et l'oubli

"Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme."
William Ernest Henley
La dernière ligne du poème Invictus de l'écrivain William Ernest Henley, poème préféré de Nelson Mandela et qui donna son titre au film de Clint Eastwood que nous avons (enfin) découvert ce soir. Ni documentaire, ni film historique, c’est plutôt une sorte de conte de fée mais qui se laisse voir sans tourment un samedi soir. Trop beau pour être tout-à-fait crédible sans doute, mais l'homme n'a-t-il pas besoin de rêver parfois? A l'heure où un autre conte de fée se termine au Brésil avec le départ de Lula, on se dit que l'Histoire se chargera bien de replacer tout ceci dans sa véritable perspective. J'y ajouterai pour ma part en surimpression la phrase de Vladimir Jankélévitch commentant sobrement le génocide "Le pardon est là précisément pour pardonner ce que nul ne saurait excuser".

01 octobre 2010

Sweet home

"Tous les grands voyageurs reviennent au havre, au port d'attache après les quarantièmes rugissants, les péripéties planétaires, les équipées sauvages et périlleuses. Quand les Vikings découvrent l'Amérique - bien avant Christophe Colomb - ils quittent les côtes scandinaves, traversent l'Atlantique, abordent l'Amérique du Nord, restent quelque temps, puis repartent en direction de leur terre natale. Le lieu quitté puis retrouvé donne l'axe sur lequel oscille l'aiguille de la boussole. Sans lui, pas de points cardinaux, pas de rose des vents, pas de possibilité de se déplacer et d'organiser son quadrillage sur les cartes du monde."
M. Onfray
Lu dans:
Michel Onfray. Théorie du voyage. Librairie générale française 2007. Le Livre de Poche, 4417. 127 pages. Extrait p.97