30 novembre 2008

Incertaine espérance

"Peut-être notre véritable destin est-il d'être éternellement en chemin, sans cesse regrettant et désirant avec nostalgie, toujours assoiffés de repos et toujours errants.
Stefan Zweig. Le chandelier enterré.


Citée par Patrick Poivre d'Arvor en exergue de son dernier ouvrage, récit mêlé de son éviction de TF1 et de la dernière étape de son Camino de Compostelle, la phrase a une suite : "N'est sacrée en effet que la route dont on ne connaît pas le but et qu'on s'obstine néammoins à suivre, telle notre marche en ce moment à travers l'obscurité et les dangers sans savoir ce qui nous attend."  Belle méditation pour les semaines passionnantes, étonnantes et incertaines que nous vivons. Les chroniqueurs du passage 2008-2009 sont sans aucun doute déjà à l'oeuvre, et Stefan Zweig peut en être. 


Lu dans:
Patrick Poivre d'Arvor. A demain ! , Fayard, 2008, 260 p, extrait p.5

29 novembre 2008

L'image perdue du père

"Te voilà enfin! Ton père peut, mon fils, revoir ton visage... Enée, les yeux pleins des larmes du bonheur, par trois fois alors dans ses bras veut prendre son père, mais, trois fois entre ses mains fuit l'image vaine, comme souffle léger et songe qui s'envole".
Virgile. L'Enéide. Sixième chant.


"Dans l'admirable Sixième Chant de l'Enéide, Enée descendu aux Enfers n'a qu'un désir: revoir son père Anchise, le vieil homme qu'il a porté sur ses épaules pour le sortir de l'embrasement de Troie et qui a rejoint depuis lors le royaume des morts. La rencontre a lieu. En trois vers, Virgile a tout dit de  la tentative des fils quand ils veulent cerner la vie, le caractère, l'esprit et le cœur de l'homme à qui ils doivent le jour. Même ceux qui ont conservé leur père jusqu'à un âge avancé, se reprochent après sa mort de ne pas l'avoir davantage interrogé, de ne pas avoir assez cherché à le connaître. Quand ils s'en avisent, il est trop tard. Si nombreux soient les souvenirs, mais les souvenirs ne sont que ceux qui surnagent au tri de la mémoire, si nombreux soient les documents, objets, lettres, photos qu'on puisse consulter, toujours nous échappera l'intégralité de ce qu'ils furent et qu'ils firent, et quels que soient nos efforts, nous ne parviendrons jamais à étreindre dans toute sa complexité et sa vérité cet homme si proche dont la semence nous a fait être, mais dont nous ne pouvons reconstituer ni tout le passé ni l'exact portrait."
 
Lu dans:
Jacques Franck. Ces pères vivants en leurs fils. Lire. La Libre Belgique. 28 novembre 2008. p.1.

28 novembre 2008

Ange ou renard

"J'ai vu un ange dans le marbre et j'ai seulement ciselé jusqu'à l'en libérer."
Michel-Ange

Je découvre ce petit entrefilet parlant d'un ange et d'un renard en parcourant mon journal ce matin, il m'a fait du bien. "Les funérailles de Geneviève Ladrière ont eu lieu jeudi à Nivelles. Elle était assistante sociale au charbonnage du Bois du Cazier, quand éclata la catastrophe (262 mineurs morts) de Marcinelle, le 8 août 1956. Pendant des semaines, sans guère de repos, elle affronta le désespoir des familles, prodigua des paroles de réconfort, aida à remplir des formulaires administratifs, annonça la découverte de corps, contribua parfois à leur identification. D'avoir à supporter, dans la trentaine, l'immensité d'une telle tragédie lui blanchit les cheveux en quelques jours. Entre nous, journalistes, nous l'appelâmes "l'ange du Cazier". Toujours, elle a voué une grande admiration à Angelo Galvan, dit "le renard du Cazier", pour son obstination à s'enfoncer au plus profond des tailles dans l'espoir de sauver des compagnons. A la fermeture du charbonnage, Mlle Ladrière se dévoua au service de la Jeunessse du ministère de la Justice."

Bizarre de se dire que le matin du 8 août 1956, l'ange et le renard prenaient paisiblement leur déjeûner comme nous ce matin, sans imaginer une seconde ce qui allait leur éclater au visage quelques heures plus tard, bouleversant leur existence et les amenant à révéler la part lumineuse qui était en eux. Leurs fonctions à tous deux étaient modestes, ils s'y révélèrent des "héros", tout en retombant rapidement dans l'anonymat le plus complet: la modestie sied aux grands. Qu'est-ce qui nous attend aujourd'hui? 

Je vous souhaite une bonne journée.
CV. 

24 novembre 2008

Et la brune?

"Une histoire entendue un jour du côté de Pampelune, en bordure du Pays basque. Deux vaches broutaient paisiblement dans un pré, gardées par un paysan à qui elles avaient communiqué leur tranquille sérénité. Un autre paysan arrive et s'assied, silencieux, en bordure du pré. Après un long moment d'observation, il s'adresse au premier: « Elles mangent bien, les vaches? - Laquelle? » demande le gardien. L'homme de passage, devant cette réaction inattendue, saute à pieds joints dans l'improvisation : « La blanche! - La blanche? Oui, dit le paysan. - Et la brune? - La brune aussi. » Chacun, après ce tout début de conversation, replonge dans sa longue pensée intérieure car, en ce temps-là, il n'y avait pas grande distance entre le moine et le paysan. Le temps passe et le second finit par demander au premier:
« Et elles donnent beaucoup de lait? - Laquelle? demande à nouveau le gardien. - La blanche. - La blanche, oui. - Et la brune? - La brune aussi. » Nouveau silence et nouvel office que chacun va célébrer de son côté, sans attention à l'autre. En cela, les deux paysans n'étaient pas encore prêts à faire communauté. Un fois chantée la dernière note, le paysan de passage dit au paysan sédentaire: «Mais pourquoi me demandes-tu toujours laquelle? - Parce que, répond le gardien, la blanche est à moi. - Ah », dit l'autre. Il replonge un bref moment dans sa perplexité et enchaîne, un peu inquiet: « Et la brune... ? - La brune aussi! »

Cette histoire basque est reprise par Gabriel Ringlet et je la trouve délicieuse. Exister est le prolongement d'un regard sur nous qui nous individualise, qui nous dise "tu" dans la masse anonyme des "vous". On ne devient "je" que le jour où un autre nous dit "tu". Etre aimé procède d'un mécanisme similaire, "j'aime une rose, qui pour moi est unique au monde" comme dit le Petit Prince. On était un troupeau de vaches, et on devient LA blanche. Et la brune? La brune aussi. 
 
 
Lu dans:
Gabriel Ringlet, Ceci est ton corps, Journal d'un dénuement, Albin Michel, 2008, 232 p, extrait p.109-111 

23 novembre 2008

Qu'en pense l'homme de la rue?

"L'opinion dominante c'est comme une vapeur qu'on respire. C'est une intoxication indolore".
J. C. Guillebaud 
 

20 novembre 2008

Primeurs et premiers flocons

"En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles."
Khalil Gibran


Avec ses arômes de petits fruits rouges, associés à des notes de pêche et d’abricot, le beaujolais nouveau 2008 se résume en un mot : du fruit, du fruit, et encore du fruit. Il était sur les routes cette nuit, il sera sur nos tables ce soir. Des flocons de neige tomberont en Ardenne à partir de vendredi soir, et un fin tapis blanc devrait rester tout le week-end. Pas de doute, l'année se termine. 
 
Lu dans:
Khalil Gibran, Le Sable et l'écume, 2008, Points, Poésie, 168 pages.
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19 novembre 2008

Rentrer à la maison

"Rentrer à la maison. Jamais je n'avais mesuré à ce point la force magique des deux mots: la maison. Quand on y vit, qu'on y rentre chaque soir, quand on réchauffe un peu de potage, qu'on essuie une assiette, quand on secoue un coussin, quand on jette quelques graines aux poules et qu'on ouvre la porte au facteur... sait-on encore le bonheur de la maison? Au loin, à l'hôpital - et c'est tellement loin, l'hôpital -, la maison, même toute petite, devient un royaume. Et rejoindre cette petite maison-là une toute grande joie. Rentrer à la maison, c'est comme retrouver sa carte d'identité, rejoindre son pays après un long exil. Va-t-on encore me reconnaître?"
Gabriel Ringlet.

Lu dans:
Gabriel Ringlet, Ceci est ton corps, Journal d'un dénuement, Albin Michel, 2008, 232 p, extrait p.53  

Une re-connaissance

"Heureusement la mémoire trie. Je peux fermer les yeux, j'aurai mon paradis dans les coeurs qui se souviendront "
Maurice Genevoix. Trente mille jours


Merci à Elide Montesi qui partage ce délicieux moment de consultation.
"Un patient âgé vient en consultation tôt le matin pour se faire oter des points de suture. Je lui fais part de ma curiosité en le voyant consulter souvent sa montre comme s'il était pressé. Il répond qu'il ne veut pas rater le petit déjeuner avec son épouse placée en maison de soins pour maladie d'Alzheimer. Je lui dis "Je comprends, elle va s'inquiéter de ne pas vous voir arriver". Le mari répond qu'il ne saurait le dire, son épouse ne le reconnaissant plus depuis 5 ans. Je ne peux manquer de lui faire part de ma surprise : "Et vous allez encore régulièrement tous les matins déjeuner avec elle alors qu'elle ne sait plus qui vous êtes? " Le vieux monsieur sourit et en me tapotant l'épaule me répond : "Elle ne sait peut-être plus qui je suis, mais moi je sais encore parfaitement qui elle est ... " 

18 novembre 2008

L'homme, seul animal qui rougit

"Il se trouve plus de différence de tel homme à tel homme que de tel animal à tel homme."
Montaigne
 
Un zoo suisse a recruté une équipe d'animateurs pour lutter contre l'ennui qui peut guetter les animaux en cage. A Cologne, un gardien a été surpris en train de faire griller au feu de bois cinq poulets de montagne du Tibet et deux moutons du Cameroun dans l'enceinte du zoo. 

16 novembre 2008

La douce musique du cochon

"On raconte une anecdote à propose de sir Herbert Oakley, professeur de musique à Édimbourg au XIXème siècle. Un jour où on l'avait emmené dans une ferme, il entendit un cochon couiner et s'écria immédiatement: «Sol dièse!» Quelqu'un courut au piano, c'était bien un sol dièse."
Oliver Sackx, dont je termine le savoureux "L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau" poursuit la réflexion que suscite chez lui l'oreille de sir Oaklay en narrant le cas deux jumeaux doués de propriétés mathématiques assez étonnantes. "Une boîte d'allumettes tomba de la table et son contenu se renversa sur le sol. Tous les deux s'écrièrent alors d'une même voix: « 111 » ; John dit ensuite dans un murmure: « 37 », Michaël répéta le nombre; John le reprit une troisième fois et s'arrêta. Je comptai les allumettes - cela me prit du temps: il y en avait cent onze. - Comment pouvez-vous compter si vite ces allumettes? demandai-je. - Nous ne comptons pas, dirent-ils. Nous avons vu les cent onze.- Et pourquoi murmurez-vous «37» et le répétez-vous trois fois? demandai-je aux jumeaux. Ils répondirent à l'unisson: 37,37,37,111." 

Lu dans :
Oliver Sackx. L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Essais. Points. Seuil. 2003. 320 pp. extrait p. 255-256

Le travail de la taupe

"Nous ne savons pas ce qui se passe, et c'est cela qui se passe. »
José Ortega y Gasset

Edgar Morin, commentant cette citation, ajoute "qu'l faut toujours un certain retard pour comprendre ce qui se passe. Et le présent est toujours travaillé souterrainement par des forces invisibles, parfois seulement audibles à ceux qui ont l'ouïe fine. Ce qu'Hegel appelait «le travail souterrain de la vieille taupe », qui va faire craquer la surface que l'on croyait stable.

Lu dans:
Edgar Morin, Mon chemin, Fayard. 2008. 262 pp. extrait p.235.

14 novembre 2008

le transparent familier

"Les aspects des choses les plus importants pour nous sont cachés par leur simplicité et leur familiarité: nous sommes incapables de remarquer ce qui est toujours sous nos yeux." (Wittgenstein ').
 

Lu dans :
Oliver Sackx. L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Essais.  Points. Seuil. 2003. 320 pp. extrait p. 65 

13 novembre 2008

La marée baisse

"A court terme, les mauvaises nouvelles économiques sont les meilleures amies de l'investisseur. Elles vous permettent d'acheter au rabais: c'est lorsque la marée descend que l'on voit ceux qui nagent sans maillot".
Warren Buffett


On ne voit souvent d'une crise que ses aspects négatifs, alors qu'elle fait aussi des heureux. Ainsi, le milliardaire américain Warren Buffett rnultiplie actuellement les coups boursiers. Dur à comprendre quand on n'a pas saisi ce qu'est le capitalisme financier. Peut-être que cette modeste fable africaine vous aidera. Un jour, dans un village, un homme apparaît et annonce aux villageois qu'il achète des singes pour 10$ chacun. Ceux-ci, sachant qu'il y a des centaines de singes dans la région, partent dans la forêt et commencent à les chasser. L'homme en achète deux centaines à 10$ pièce et comme la population de singes diminue, les villageois arrêtent leurs efforts. Alors, l'homme annonçe qu'il achètera désormais les singes à 15$. Les villageois recommencent à les chasser. Bientôt le stock s'épuise de plus belle et les habitants du village retournent  à nouveau à leurs occupations.  L'offre monte à 20$ et la population de singes se réduit à un point tel qu'il devient rare de voir un singe, et encore plus rare d'en attraper un. L'homme annonçe alors qu'il achètera les singes 50$ chacun. Cependant, comme il doit aller en ville pour affaires, son assistant s'occupera des achats pendant son absence. Son assistant rassemble alors les villageois et leur dit : « Regardez ces cages avec tous ces singes que l'homme vous a achetés. Je vous les vends 35$ pièce et lorsqu'il reviendra,vous pourrez les lui vendre à 50$. » Les villageois réunissent à ce moment tout l'argent qu'ils possèdent, certains vendent même tout ce qu'ils ont pour acheter tous les singes. La nuit venue, l'assistant disparut. On ne le revit jamais, ni lui ni son patron.

Le livre des vivants

"... le miracle qui fait qu'un jour on lit debout comme on se tient debout, et la grâce qui fait qu'au prix de cent jouissances et de mille souffrances on se met à écrire dans le livre des vivants ."
B. Deprez

Jean d'Ormesson suggère avec finesse que chaque naissance constitue un big bang refondateur dans la vie d'une famille. Ce séisme s'est produit le 11 novembre 2008 chez Laurence, Pascal et Benjamin: une petite  Alix les a rejoints pour écrire son histoire avec eux dans le livre des vivants. L'admirant si menue entre les bras de son grand frère, on se prend à rêver à l'énorme potentiel d'amour, d'énergie et de réalisations futures que ce petit être fragile contient en germe. 

Pour les étymologistes,  Alix est bien un prénom féminin, dérivant d'Adèle ou Adélaïde, et ayant donné naissance à Alison, Alice, Alicia, Alizé et Alexia), mais le succès de la bande dessinée du même nom, mettant en scène un héros ayant ce nom, a propagé l’idée que c’est un prénom masculin. Comme patronne à vénérer, elle aura le choix entre une religieuse lorraine du XVIème siècle qui fut à l'origine de la première école gratuite pour filles, ou plus proche, Sainte Alix de Schaerbeek (si si, pince-moi si je mens, 1225 - 1250), moniale cistercienne de l'abbaye de la Cambre, née à Schaerbeek, lépreuse et mystique, qui mourut à l’âge de 25 ans (ndlr. Laurence et Pascale ont investi il y a un an dans une maison unifamiliale au centre de Schaerbeek). On la fêtera donc le 15 juin (Acta Sanctorum, mois de Juin, vol.III). Pauvre petite, en pleine période d'allergie aux graminées et en blocus, elle se consolera en fêtant son anniversaire chaque année le jour de la commémoration du silence des canons, on ne peut rêver mieux. 

  
Lu dans:
Berengère Deprez. Kilomètre 7, Ed Luce Wilquin , 2006
Jean d'Ormesson. Qu'ai-je donc fait? Robert Laffont, 2008, 364 pp. 

11 novembre 2008

Sagesse de poilu

"C'est vraiment honorers ses parents que de se développer et de ne pas toujours faire ce qu'ils vous disent." 
F. Dolto


Je vous souhaite un bon 11 novembre, nous rappelant avec Maxence Fermine dans son dernier roman, "Les carnets de guerre de Victorien Marsa", que "la guerre est un temps à ne pas mettre son nez dehors."


Lu dans :
Les mots de Francoise Dolto pour les enfants et les parents. Dessins de Lionel Koechlin. Gallimard Jeunesse Giboulées. 138pp 2008  

09 novembre 2008

Un bilan à l'aube du siècle


"En baisse: la nature, l’autorité, la tradition, le passé, le mariage, l’orthographe, la grammaire, le latin et le grec, la littérature française, le point-virgule, l’hiver, peut-être les blonds? En hausse: la physique mathématique, la biologie, la santé, le jeu, l’ironie, la dérision, la complexité, l’électronique, la toile, l’opinion publique, la langue anglaise tombée au niveau le plus bas, le chinois, l’humanitaire, l’été".
Jean d'Ormesson

Lu dans:
Jean d'Ormesson. Qu'ai-je donc fait? Robert Laffont, 2008, 364 pp.

08 novembre 2008

Ne pas mourir vivant

"Seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose. Le sol sur lequel se déploie la philo est un sol meuble. Elle nous enseigne à ne pas mourir de son vivant, à ne pas se contenter des lettres mortes, des opinions figées, à les remplacer par une réflexion vivace. (..) La philosophie a pour effet de dissiper les filtres qui s’interposent entre nous et la réalité: les préjugés, l’habitude, l’ennui."
Raphaël Enthoven

Lu dans :
Enthoven, un esprit en mouvement. Caroline Gourdin. La Libre Belgique. 8.11.2008. p.29

07 novembre 2008

Quelque chose a changé

Regarde :
Moins chagrins, moins voûtés,
Tous, ils semblent danser
Leur vie recommencée.
Regarde :
On pourrait encore y croire.
Il suffit de le vouloir
Avant qu'il ne soit trop tard.
Regarde :
On en a tellement rêvé
Que, sur les mur bétonnés,
Poussent des fleurs de papier
Seul,
Il est devenu des milliers
Qui marchent, émerveillés
Dans la lumière éclatée.
Regarde :
On a envie de se parler,
De s'aimer, de se toucher
Et de tout recommencer.
Regarde :
Plantée dans la grisaille,
Par-delà les murailles,
C'est la fête retrouvée.
Ce soir,
Quelque chose a changé.

Barbara. Regarde 

06 novembre 2008

Comme Moïse au bord de la Terre promise

"Rosa sat so Martin could walk. 
Martin walked so Barak could run 
and Barak ran so our children can fly."

J'ai presté ce jour, comme vous tous sans doute, mille et une actions dont je me suis demandé si elles servaient à quelque chose. 
Me revient soudain l'image de cette grand-mère qui meurt le soir précédent l'élection de son petit-fils comme président des Etats Unis,   
Qui sème n'est pas nécessairement qui récolte. 

05 novembre 2008

America the beautiful

"O beautiful for spacious skies,
For amber waves of grain,
For purple mountain majesties
Above the fruited plain!
America! America!
God shed his grace on thee
And crown thy good with brotherhood
From sea to shining sea!"


Ce matin j'ai eu 9 ans. 1960, entre cousins nous jouons à Faites un voeu, et la réponse fuse: devenir président des Etats-Unis. Images en noir et blanc de JohnJohn et Caroline Kennedy, 2 et 4 ans, éblouis devant la Maison Blanche. Images de Dylan aux côtés de MLKing au Capitole chantant "The times they're A-Changin" devant des milliers de marcheurs pour les droits civiques, ou de Joan Baez égrenant "O deep in my heart I do believe We'll walk hand in hand someday". Images tremblantes d'empreintes de pas sur la Lune.

Et puis, en l'espace de quelques mois, toujours en noir et blanc, une série de coups de feu, des images de guerre, des plombiers poseurs de micros, et plus récemment d'hommes en pyjama rouge enfermés comme des bêtes à Guantanamo, des prisonniers hommes et femmes nus mêlés à des chiens étaient parvenus à fracasser le rêve: quel homme sur terre, dites-moi rêvait encore de devenir américain durant cette longue glaciation. US Go home devenu un cri de rassemblement quasi universel. Quelle tristesse. Honte inavouée aussi, d'avoir pu ressentir une fraction de seconde vite réprimée une pensée horrible au moment de l'écroulement des deux tours jumelles: ils ne l'ont pas volé. Vous étiez devenus ce vieil oncle riche que Disney popularisa sous les traits de Picsou, et qu'on rêve de voir un jour ruiné. Fallait-il que l'image d'un pays aimé se soit désintégrée, deuil dont au fond de nous nous ne nous remettions guère.

Ce qui s'est passé cette nuit dépasse le cadre de l'histoire individuelle: aucun mythe ne résiste à l'usure du temps et le nouveau président connaîtra lui aussi des lendemains qui déchantent et le désamour. Mais cette élection et la fierté qu'elle suscite loin au-delà des frontières de l'Amérique nous transforme tous au plus profond de nous-mêmes. Je me suis surpris dans le métro ce matin, assis en face d'une maman africaine, à la regarder avec un regard tout neuf: soudain, elle n'était plus noire, mais femme tout simplement. Ce changement-là, intérieur, n'a pas de prix et nous fait toucher du doigt que l'histoire vit parfois des mutations collectives. Et de cela nous sommes reconnaissants au peuple américain ce matin.

Une pensée particulière pour Corentin, sa famille, Nicole, David, leurs enfants, Paulette, Daniel, et tant d'autres qui partagent j'en suis sûr mon émotion durant cette superbe journée.

02 novembre 2008

Des morts pas comme les autres

"Les livres m'ont enseigné le goût et le bonheur du ravage»
Sagesse d'un pilonneur


A une semaine de l'attribution des prestigieux prix littéraires, une petite leçon de modestie. Chaque année, en France des machines broient environ 100 millions de volumes,  ce qui représente le cinquième des 500 millions de volumes fabriqués. On stocke un certain temps des ouvrages qui se vendent mal, et puis on finit par les détruire. Bien souvent, le pilonnage suit immédiatement le retour de librairie. Mais le pilon ne constitue pas seulement la sanction d'une mévente. L'éclatante réussite d'un auteur produit autant de pilonnage que l'échec. Cela fait partie d'une stratégie délibérée de surproduction. Il n'est pas rare qu'un éditeur prenne dès le départ le parti de faire imprimer des milliers de livres pour les pilonner. Car leur rôle consistera à impressionner, à donner le sentiment de l'importance de l'oeuvre. Il faut se montrer, faire masse dans les Fnac, écraser la concurrence par le poids. L'entassement de 100.000 livres sert à en faire acheter 50.000. Les 50.000 autres seront broyés. Car le pilon coûte moins cher que le stockage. Il rapporte, même: 100 euros la tonne de papier. Le pilonnage n'est pas une pure destruction, une mort définitive. Les livres broyés serviront à nouveau sous forme de boîte à pizzas, cartons à chaussures, cahiers, emballages, papier journal. Le papier ainsi recyclé connaît sept vies successives, comme les chats. On voudrait pouvoir déchiffrer, dans ses derniers états, le palimpseste de textes qui se sont inscrits, les uns après les autres, dans ses fibres, formules poétiques, notices d'utilisation, slogans publicitaires ou listes de composants. On devine que l'écrivain, lui, préfère ne pas savoir, ne pas avoir à choisir: savoir que 50.000 de ses livres sont broyés à Vigneux, ou qu'il n'en a vendus (offerts?) que cent, qui ont bouleversé le lecteur.  

Lu dans :
Comment les livres deviennent des boîtes à pizza. Le cauchemar du pilon. Pierre Jourde. Bibliobs.com. Le site du Nouvel Observateur
http://bibliobs.nouvelobs.com/20081030/8211/le-cauchemar-du-pilon

01 novembre 2008

Sagesse du parachute

"Les esprits c'est comme les parachutes, ça ne fonctionne que quand c'est ouvert."  
 Sagesse murale


La phrase orne les murs de la jeune entreprise NewTree, commercialisant des chocolats aux propriétés diverses. Un bon article lui est consacré dans Références du Soir (31.10.08, p.4). Tout un programme.

Je vous souhaite une bonne fête de Toussaint.