31 décembre 2006

Ouvrir toute grande une fenêtre

"Je me serai souvent tenue derrière les fenêtres. L'hiver, avec des enfants encore petits, juchés sur une chaise, appuyant leur bouche au carreau pour y faire fondre le givre. Au printemps, c'était pour suivre le vol d'une hirondelle.

Mais ce que j'aime avant tout c'est ouvrir toute grande une fenêtre. De préférence, sur des arbres ou une prairie. De mes deux poings, pousser les volets sur le printemps revenu. Arbres. Écureuils. Balcons. Cerises aux oreilles des enfants. Ne me quittez pas.
Le jour est revenu. Avec lui, non pas forcément le bonheur ou la joie de vivre. Mais la vie. Simplement la vie. La conscience absolue d'être en vie.

Avec l'aube reviennent les cloches. Le chant d'un coq. L'aboiement d'un chien. On entend la campagne qui s'éveille. Les sons d'une vie bien plus ancienne que la nôtre reviennent à notre mémoire. On entend résonner un marteau sur une enclume. Pourtant, ce bruit n'existe plus, même dans nos villages. Il vient de notre enfance ou d'une autre vie. Mais, dans cette vie-là, j'entends encore le marteau d'un charpentier. Et c'est un son qui me remplit de joie. Je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce qu'il me ramène à des gestes simples. Construire. Bâtir. L'opposé de la guerre.
Avec le jour qui se lève, ces bruits que j'aime me donnent du courage. Curieusement, ils produisent du sIlence. Concerto pour le jour qui se lève. "

Françoise Lefèvre. Se perdre avec les ombres. Editions du Rocher 2004.

Ouvrir toute grande la fenêtre d'une année qui commence, c'est tout le bonheur qu'on puisse se souhaiter en ce moment de l'année, où "on porte en soi tous les rêves du monde" comme l'écrivait le poète Alvaro de Campos.
Je vous souhaite sincèrement une bonne année 2007

CV.

Ame contre âme

« Quand les amoureux quittent leurs corps nocturnes,
l'un se pose sur une branche au loin,
l'autre s'accoude à la fenêtre.
L'amour, c'est âme contre âme. »

PASCAL QUlGNARD. Vie secrète. (Gallimard, 1998)

29 décembre 2006

En relisant Goethe

Über allen Gipfeln
Ist Ruh .
ln allen Wipfeln
Spürest Du
Kaum einen Hauch.
Die Vögelein schweigen im Walde.
Warte nur, balde
Ruhest Du auch .

Sur toutes les cimes
Ce n'est que repos.
Au sommet des arbres
A peine si tu sens
Le moindre souffle.
Les oiseaux dans la forêt se taisent.
Patience. Bientôt
Toi aussi tu connaîtras le repos.

Goethe. Über allen Gipfeln
cité par W. Stegner. Vue cavalière.


28 décembre 2006

L'automne à Kyoto

Je suis à Kyoto,
rêvant d'être à Kyoto,
Ô, oiseau du temps!

Le soleil écarlate
ne connaît pas
le froid du vent d'automne,

Un oiseau se baigne
dans l'ombre de l'arbre
sur le lac d'automne,

On envie leur beauté.
Elles sont pourtant mortes
les feuilles d'érable pourpres.

Un chardon gris-bleu
après la pluie d'automne:
ah! bijou très précieux.

Ciel clair et calme.
La fumée du feu d'herbes
monte droit.

Une cloche dans la brume
un faisan dans la montagne,
l'automne, mes cheveux blancs.

Une libellule verte
dans le soleil d'automne.
Elle ne sait pas que c'est la fin.

Automne. Crépuscule.
Faut-il allumer la lampe?
dit une voix.

Je me suis retourné
mais déjà le passant
était voilé de brume.

Sur la grande cloche
quand elle ne sonne pas
dort le dernier papillon.

Le chemin
où ne passe personne
l'ombre d'automne le recouvre

J'arrête mon cheval. J'écoute.
Quelle est cette rivière?
Le vent d'automne dans les arbres.

Un daim au milieu de la mer?
Dans l'étang de la forêt
son reflet pendant qu'il boit.

Je m'en vais, un.
Vous restez, une.
Deux automnes.

Feuilles qui tombent
sur les feuilles.
Pluie qui pleut sur la pluie.

Au galop, des cavaliers
passent dans la nuit:
bourrasque d'automne.

Une branche noire et nue.
Un corbeau noir,
crépuscule d'automne.

Premières bourrasques.
Les feuilles d'érable s'envolent.
La chatte rentre à la maison.

Dans la brume, des pèlerins
revenant du temple en devisant.
Cris des oies sauvages volant vers le sud.

Quand aucun vent n'agite
l'arbre Kiri
une feuille qui tombe, seule.

Cerisiers en fleur, chant du coucou,
pleine lune, érables rouges, pluie, neige - et déjà
l'année est passée.

Claude Roy

Dernier vendredi , dernier week end, et déjà l'année est passée.
Je vous souhaite une bonne fin de semaine
CV.

La vie , comme un tourbillon

"Et pour ce qui est de ta vie, considère ce qu'elle est:
un vent;
et non pas un vent soutenu, mais, à chaque instant d'une heure,
tantôt s'échappant, tantôt aspiré de nouveau ..."

Marc Aurèle.

26 décembre 2006

Le secret et ses mystères

"Ne cherche pas le fin mot d'une énigme: le secret a sa raison d'être.
Qu'il n'y ait pas de réponse à certaines questions devrait multiplier le nombre des gens heureux. "
Robert Pinget.

25 décembre 2006

regard sur le passé

"L'historien est un prophète du passé."
Hegel.

Ma série de misères informatiques se poursuivant, je suis sans ligne Internet
depuis mercredi.
Ceci explique l'interruption de mes pensées entre café et jounal, devenues bien
irrégulières ce mois-ci.
C'est beau la technique, mais vulnérable
Demain cela ira mieux.

Relisant Bède le Vénérable

"La représentation la plus exacte que je connaisse de la vie est proposée par Bède le Vénérable : c'est cet oiseau qui entre dans le hall éclairé, y volette quelques instants , puis ressort dans la nuit."
Wallace Stegner. Vue cavalière.

Bède était moine et érudit anglais, a vécu à cheval sur les VIIème et VIIIème siècle. Toute l'érudition du monde tient parfois en une formule de quelques mots compréhensibles par chacun, et inaltérés d'un siècle à l'autre.
En lisant ceci, nous partageons quelques moments fugaces dans le même hall éclairé, on sait que cela ne durera guère, mais c'était bon tout de même.

Je vous souhaite un joyeux Noël

24 décembre 2006

un avenir de Noël

"Le monde a de l’avenir et il nous le prouve."
Couverture de la revue Reporters d’espoir (novembre 2005)

Des rats dressés à la détection de mines antipersonnel. Une école du week-end pour les enfants des rues brésiliens. Des plastiques biodégradables en un temps record. Des PDG qui conseillent bénévolement les futurs créateurs d'entreprise. Des femmes bosniaques, serbes, croates et kosovares réunies dans un voyage de mémoire commun, à travers l'ex-Yougoslavie. Des filets pour attraper la brume du désert chilien et la transformer en eau ...
Point commun entre ces différentes informations? Montrer que des solutions existent. Y compris à l'échelle de nos existences individuelles.

Je retrouve avec étonnement mon clavier, qui à nouveau communique après une quinzaine de jours d'interruption de ligne Internet aussi mystérieuse qu'inattendue. Personne n'a pu me fournir d'explication sur cette coupure intempestive, de Belgacom à Scarlet, ex-Tiscali, ex-Wanadoo si ce n'est que mystérieusement ma ligne ADSL n'apparaissait plus nulle part. Disparue aussi soudainement que nous disparaîtrons un jour à notre tour, tout cela n'est finalement que bien humain. Tout baigne puisqu'à terme, ceci au moins se répare. J'ai appris en outre ce qu'est un interlocuteur anonyme, officier de call-desks délocalisés, et leurs tempéraments divers. Le dernier fut charmant, compétent, attentif au problème, qu'il en soit remercié.
Une série de phrases lues durant ces quinze jours se sont déjà volatilisées de ma mémoire, "tout ce qui n'est pas donné est perdu" dit le proverbe, tant pis. On savourera d'autant mieux celles qui viennent.

12 décembre 2006

se lever au coucher du soleil

"A quoi servirait un lever de soleil si nous ne nous levions pas? "
Georg Christoph Liechtenberg. Le miroir de l'âme. 1997.

11 décembre 2006

on a changé le sens des poussettes

"Olivier Rey, professeur de mathématique à Polytechnique, chercheur au CNRS, jeune auteur du Seuil, m’a fait un jour remarquer un détail emblématique : vers le milieu des années 70, les poussettes ont changé de sens ! Je vous invite à repenser à cela. On est passé des poussettes où l’enfant était tourné vers ses parents à des poussettes où l’enfant tourne le dos à ses parents et est projeté dans l’avenir. Comme si l’enfant devait faire son deuil de l’héritage, de la transmission, de la filiation elle-même. C’est tout de même étrange que des designers et des industriels en même temps, dans la plupart des pays développés, aient tous eu la même idée : changer le sens des poussettes !"

02 décembre 2006

un seul , plusieurs

"Nous naissons plusieurs, nous mourons un seul."
Paul Valéry

On passe une vie à se forger parmi les mille possibilités offertes, pour parvenir comme le dit Claude Arnaud dans son dernier opuscule (prix Femina de l'essai 2006) à être celui qui dit Je en nous.
Notre époque y a ajouté un correctif: m'identité laisse progressivement la place à la notoriété, Oedipe s'efface devant Narcisse, pour être, il ne faut plus seulement être enraciné mais connu.
Y gagne-t-on ? Beau sujet de méditation pour une journée de repos.

la neige en hiver

"la neige , c'est de l'eau qui fleurit en hiver."
M. Jourdan. Journal du réel gravé sur un baton.

s'engager

« S’engager, c’est adhérer volontairement à une cause que l’on sait imparfaite ».
Paul-Louis Landsberg (1901-1944)