29 septembre 2006

de sales fréquentations

"Le cochon n'est devenu sale que par suite de ses fréquentations avec l'homme. A l'état sauvage, c'est un animal très propre. "
Pierre Loti.

28 septembre 2006

en tout homme un cochon sommeille

« Dans les différentes ethnies peuplant notre globe, le cochon imite la couleur de l'homme chez qui il se trouve. Sans doute est-ce l'homme qui, au départ, a sélectionné le porc sauvage le plus proche de sa nature: ainsi le cochon est rose et blanc en Europe et en Amérique du Nord; noir en Afrique; jaune en Asie et orangé en Amérique du Sud. »

Julien Green. Le Grand Large du soir. P.150

Soif

"J'ai soif et rien que la mer à boire !"
Claire Lejeune. Mémoire de rien.

26 septembre 2006

les confidences que rapportent les fauteuils

"Ce qu'ont entendu les meubles, confidences et disputes, les fauteuils le gardent avec cet air de présence qu'ils ont quand ils sont seuls. Les inconnus, pour nous ici les inconnus de la famille, les grands-parents, leurs invités, sont les ombres qui vont y rêver quand nous ne sommes pas dans la pièce. Nous sommes nous-mêmes les fantômes de demain, nous envahissons chaque jour nos meubles avec des souvenirs vivants, nous hantons le présent qui pour nous-mêmes devient chaque jour du passé. Nous sommes déjà les inconnus de la maison au c½ur de notre vie quotidienne."
Julien Green. Le grand large du soir.

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

25 septembre 2006

La lumière me rend ma nuit

Il y aussi une douceur anglaise. Je songe à Milton aveugle, dans le poème où il rêve qu'il voit sa femme.
Il est heureux tout le temps que dure ce rêve, et puis le jour vient et « la lumière me rend ma nuit ».
Julien Green . Le Grand Large du soir. 2006. p 113. Flammarion.

Piqué par la curiosité, j'ai voulu retrouver dans l'oeuvre de Milton ces versets où il parle de son infortune.
On les retrouve dans ses Derniers Sonnets, et la légende veut que ces lignes soient les dernières qu'il ait écrites.

"Came vested all in white, pure as her mind;
Her face was veil'd; yet to my fancied sight
Love, sweetness, goodness, in her person shin'd
So clear, as in no face with more delight.
But O, as to embrace me she inclin'd,
I wak'd; she fled; and day brought back my night."

John Milton (1608 - 1674)

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

24 septembre 2006

la fureur des berges

"On dit d'un fleuve emportant tout qu'il est violent,
mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent."

Bertolt Brecht..

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

ces livre sans nom d'auteur

Les livres devraient être publiés sans nom d'auteur, ça résoudrait bien des choses. On attend de l'écrivain qu'il soit remarquable dans toutes les circonstances. Mais on ne l'est pas toujours, moi je suis bête à mourir. Quand j'étais jeune, j'avais un jour abordé un grand écrivain. Bonjour, je lui dis. Bonjour, me répond-il. Je m'attendais à une grande phrase qui allait me révéler les secrets de la vie. J'avais été très déçu.. .
Antonio Antunes

22 septembre 2006

beauté du bouquet

"Unifier, c’est nouer les diversités, non les effacer."
Saint Exupéry

Je vous souhaite un bon week end
CV.

20 septembre 2006

En pique nique

"Notre existence est tissée de choses faites trop tard."

L'histoire est reprise par le Dalaï Lama qui introduit ses moments de méditation par la conclusion qu'il en tire. Un moine bouddhiste se faisait prier par un de ses élèves: "Emmène-moi donc en pique-nique comme tu me l'as si souvent promis." Nouvelle promesse, nouvelle attente, nouvelle désillusion: il y a tant de choses à faire, bien plus urgentes au quotidien. Les années passent, l'élève devient moine son tour, le vieux moine meurt inopinément un jour d'automne. Son disciple aimé ouvre le cortège funéraire. Sur le bord du chemin, deux étrangers s'interrogent: "Qui est-ce, et où vont-ils donc?" Le Dalaï Lama conclut dans un sourire contagieux: "Vous l'aurez deviné, en pique-nique."

On ne possède rien, jamais, qu'un peu de temps. Depuis mon retour de vacances, Je me dis que je dois absolument aller rendre visite à Louis, hospitalisé au centre ville. Vieil ami de toujours, tout bon, tout rond, tout gros, il a maigri sans raison et le corps médical s'en est alarmé. Son prénom reporté de semaine en semaine sur les pages de mon agenda (trop de trafic ce jour, pas de parking, trop de consultations urgentes, une reprise des cours imminente, grosse fatigue aujourd'hui, demain ne pas oublier Louis) sont un vivant reflet d'un certain mode de vie, ou peut-être la traduction inconsciente d'une anxiété diffuse à affronter l'image du cancer qui nous attend tous au tournant. J'ai appris sa mort ce matin. J'en ai traîné le regret toute la journée: croyais-je donc qu'il était immortel? Vendredi , Louis sera enterré près de sa plage natale, loin d'ici, près de chez lui. J'irai lui dire un tardif adieu, bloquant une journée que j'aurais été bien inspiré de lui consacrer un mois plus tôt. Où vont-ils donc? En pique-nique.

19 septembre 2006

d'humeur excellente

« Quand, d'aventure, l'envie m'en prend, je vais puiser l'eau limpide de la rivière et je prépare mon repas. L'eau qui coule, goutte à goutte, me ravit et, en face de mon simple bûcher, je me sens d'une humeur excellente. »
Bashô, Journaux de voyage, poète de haïku japonais, 1644 - 1694. Pour Bashô, le haïku n'est pas dans la lettre mais dans le coeur. Il s'efforce d'exprimer la beauté contenue dans les plus simples choses de la vie :

« Paix du vieil étang.
Une grenouille plonge.
Bruit de l'eau. »

C'est une poésie de l'allusion et du non-dit qui fait appel à la sensibilité du lecteur. Par exemple il évite de décrire l'évidente beauté du mont Fuji :

« Brume et pluie.
Fuji caché. Mais maintenant je vais
Content.»

En passant devant les ruines du château ou périt le célèbre Minamoto no Yoshitsune alors qu'il était assiégé par l'armée de son frère Yoritomo, le poète est frappé de voir qu'il ne reste rien de cette gigantesque bataille, de tous ces glorieux combats et que la nature a repris ses droits :

« Herbes de l'été.
Des valeureux guerriers
La trace d'un songe. »

On songe aussitôt à Brassens et à ses deux oncles
"Qu'au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi
Mieux vaut attendre un peu qu'on le change en ami
Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main
Mieux vaut toujours remettre une salve à demain."

Bashô; est le premier grand maître du haïku et sans aucun doute le plus célèbre au Japon où il reste littéralement vénéré.

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

17 septembre 2006

le bruit des autres

"Quand deux têtes se cognent et que ça sonne creux, ce n'est pas toujours à cause de la tête de l'autre."
Sagesse populaire

16 septembre 2006

malentendu

"Il se demande si ce qu'il a toujours pris pour la richesse du silence
n'était pas en fait la pauvreté de ne jamais être entendu."
Nicole Krauss. L'histoire de l'amour. Gallimard.

13 septembre 2006

du chaos à la poussière

"Tout est rien, tout est vide et tout farce grossière.
Nous sortons du chaos pour devenir poussière."
Glycon. anth.pal X 124 5ème siècle de notre ère.

Qui a dit que nos temps sont désespérés? Au 5ème siècle après JC, certains cultivaient déjà un certain pessimisme sur la condition humaine..

12 septembre 2006

11 septembre 2006

Richesse infinie

"Ce printemps dans ma cabane
Absolument rien
Absolument tout."

Haïku de Kobayashi Issa (poète japonais, de son vrai nom Kobayashi Nobuyuki. Né en 1763 dans le village de Kashiwabara dans la province de Shinano et est mort en 1828 à Kashiwabara.
Fils d'un paysan aisé, la vie d'Issa fut marquée par une succession de malheurs et par la pauvreté.

10 septembre 2006

Dolce agonia

Aucune grande voix
de lumière et pardon
ne s'est élevée des décombres.
Une femme, Nancy
Nancy Huston, avant le crime
avait prophétisé dans un poème:
"Que feront-ils sans nos prières?
Qui priera pour nos assassins?
Quand ils nous auront tués."

Henri Bauchau. Poésie pour le 11 septembre

l'eau , les fleurs

Dans chaque jardin
Les fleurs sont multiples
et l'eau est unique

Abdel Malik

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

09 septembre 2006

la beauté de septembre

Jamais la fin d'été n'avait paru si belle.
Les vignes de l'année auront de beaux raisins.
On voit se rassembler, au loin les hirondelles
Mais il faut se quitter. Pourtant, l'on s'aimait bien.

Quel joli temps pour se dire au revoir.
Quel joli soir pour jouer ses vingt ans.
Sur la fumée des cigarettes,
L'amour s'en va, mon c½ur s'arrête.
Quel joli temps pour se dire au revoir.
Quel joli soir pour jouer ses vingt ans.

Les fleurs portent déjà les couleurs de Septembre
Et l'on entend, de loin, s'annoncer les bateaux.
Beau temps pour un chagrin que ce temps couleur d'ombre.
Je reste sur le quai, mon amour. A bientôt.

Quel joli temps, mon amour, au revoir.
Quel joli soir pour jouer ces vingt ans.
Sur la fumée des cigarettes,
L'amour nous reviendra peut-être.
Peut-être un soir, au détour d'un printemps.
Ah quel joli temps, le temps de se revoir.

Jamais les fleurs de Mai n'auront paru si belles.
Les vignes de l'année auront de beaux raisins.
Quand tu me reviendras, avec les hirondelles,
Car tu me reviendras, mon amour, à demain...

Septembre, quel joli temps. Barbara

L'ambiance douce de l'été indien , avec ses rites (rentrée, journées du
patrimoine, dimanche et barbecues urbains sans voiture, braderies, marrons et
noix, vendanges, est de retour.

06 septembre 2006

Un univers d'intranquillité

"Tout ce qui s'oppose à soi-même est en même temps en harmonie avec soi. comme en témoignent l'arc et la lyre."
Héraclite

Beau sujet de dissertation. Si on connaît bien l'arc, moins connue est l'antique lyre, tendue par ses quelques cordes à l'extrême limite de la rupture de son mince cadre en bois.
Tension interne, opposition, harmonie des sons qui jaillissent de la lyre, force de la flèche que l'arc propulse, tension jusqu'à la souffrance des doigts qui en pincent les cordes, attention extrême du cerveau qui se concentre pour en extraire le meilleur...
L'art de l'archer est une prière chez les moines boudhistes, l'art de la lyre une magie dans l'antiquité.
Nous aurions tort de craindre la tension interne qui, maîtrisée, nous donne le chant de la lyre et la précision puissante de la flèche. Curieux bonheur d'aujourd'hui, où la tranquillité est devenue un objectif, une mer sans vagues une destination de voyage, un ciel sans nuage un but de vacances.
Un parcours scolaire sans échec un idéal de parent. Un visage sans ride un idéal de femme.

Qui nous fera rêver un jour à un univers d'intranquillité qui nous réconcilie avec la vraie vie?

05 septembre 2006

le cheval qui va tout seul

"Le plus grand compliment que l'on puisse faire à un cavalier, c'est de lui dire que son cheval va tout seul. Mais rien ne se fait tout seul."
Félix Marie Brasseur. Médaille d'or en atelage à quatre à Aix)

Dans un registre différent, mais en droite ligne du message d'hier, bonne rentrée scolaire bis.

04 septembre 2006

paradoxes démocratiques

"L'école qui mène à la démocratie ne peut pas être démocratique."
Marcel Gauchet.

Cité par Olivier Rey, qui ajoute que "les enfants ne naissent pas libres , mais destinés à l'être pour peu qu'on leur en donne les moyens.
Ce qui suppose qu'on ne les en estime pas d'emblée détenteurs. Il ne s'agit pas de critiquer les valeurs de la modernité, mais d'éviter que, par un déploiement inconditionné, elles en viennent à saper leurs conditions de possibilité."
Allons, bonne rentrée des classes à tous.

Je vous souhaite une bonne semaine
CV.

03 septembre 2006

Lettre à mon fils à l'occasion de Noël.

"Ainsi, cher Stefano, je t'offrirai des fusils. Et je t'apprendrai à jouer à des guerres très compliquées, où la vérité ne se trouve jamais d'un seul côté, où l'on doit signer, à l'occasion, des armistices. Tu te défouleras, dans tes jeunes années; tes idées s'embrouilleront un peu, mais des convictions naîtront lentement en toi. Puis, une fois adulte, tu croiras que tout cela n'aura été qu'un conte: le chaperon rouge, Cendrillon, les fusils, les canons, l'homme contre l'homme, la sorcière contre les sept nains, les armées contre les armées. Mais si d'aventure, quand tu seras grand, il y a encore les monstrueuses figures de tes rêves d'enfant, les sorcières, les kobolds, les armées, les bombes, les mobilisations générales, peut-être que tu auras acquis une conscience critique à l'égard des fables, et que tu apprendras à te mouvoir de façon critique dans le monde réel."

Umberto Eco. Pastiches et Postiches.

02 septembre 2006

les âmes tapies

"Angéline avait trois secrets: elle savait ce qu'elle voulait, elle avait compris ce qui était possible (c'est-à-dire que tout ne l'est pas), et aussi ce qui se tait avec profit. Cela faisait beaucoup de sagesse. Elle débusquait les âmes tapies derrière la chair."
Alice Ferney. Grâce et dénuement. Actes Sud 1997. p.23

Alice Ferney n'a pas son pareil pour décrire des personnages lumineux. Qui telle Angéline, la mama gitane, ne savent parfois ni lire ni écrire, et pourtant. Un régal de lecture qui a enchanté ma semaine.

Les semences du chagrin

"Vois la vie et la joie et retourne auprès d'elles
Puisqu'il faut bien qu'un peu de bonheur recommence."
Anna de Noailles. L'ombre des jours.

Vues à la consultation ce soir, une jeune maman belgo-turque et ses deux jeunes enfants. Je la "connais de toujours" comme elle aime le rappeler, mais elle dissimule mal sa détresse.
Veuve deux mois avant la naissance de sa petite fille Ines, son mari s'est pendu à la clenche de la porte de leur chambre à coucher avec la ceinture de son peignoir à elle, au cours d'une crise de profonde dépression aussi soudaine qu'inattendue et inexpliquée.
Elle ne s'en remet pas et protège comme elle peut ses deux bambins d'un sort contraire.

J'observe Ines, 8 mois, du coin de l'oeil pendant que sa maman me parle : la petite n'arrête de sourire, voire de rire aux éclats quand son frère lui souffle quelque chose à l'oreille. Sa maman me confirme qu'elle sourit tout le temps, rit pour un rien, un vrai soleil.
On ne pleure que ce qu'on a connu, et perdu.

01 septembre 2006

Immortalité.

"- Un dieu, - un dieu, à moins que ce ne soit le Méphisto du Docteur Faust, - t'offre d'exaucer le premier de tes v½ux. Te voilà affranchi de la mort. Mais il t'a mis en garde. Ce don est définitif. Tu veux l'immortalité. Tu n'y échapperas plus.
Tu vas voir vieillir et mourir ce que tu aimes. Tu vas voir s'éloigner et disparaître comme des barques à l'horizon ta jeune et tendre maîtresse, puis celle qui lui aura succédé, et une autre, et une autre encore, et tes enfants et tes petits-enfants et les arrièrepetits-enfants de tes petits-enfants.
Tu verras tomber en poussière et pourrir tout ce qui faisait à tes yeux le prix de la vie et la beauté du monde. Toute joie sera pour toi, dans un monde devenu étranger, tarie dans sa source même par l'infinie répétition et l'éc½urante satiété. Il ne faudra pas beaucoup de siècles pour que ta propre vie, ta vie immortelle, devienne pour toi un objet d'ennui et de dégoût, pour que toutes les minutes en soient pareilles, pour que tu n'aies plus ni raison ni envie de faire ceci aujourd'hui plutôt que demain, d'aller ici plutôt que là.
Mais ce ne sera encore que le commencement, la première aube de ton supplice. Tu verras vieillir et se disloquer ta planète. Tu verras ton soleil pâlir et rougeoyer comme un charbon qui s'éteint. Tu verras périr l'univers sans l'espoir d'être englouti par ce désastre même. Tu resteras les yeux ouverts sur le vide et la nuit de l'éternel néant. Tout au plus entendras-tu alors hurler vers un ciel sans écho et sans étoiles une voix qui criera: « Au secours. Aidez-moi. Par pitié. Accordez-moi de mourir. »
Mais il n'y aura pas de réponse à cette voix qui sera la tienne. Voilà ce qui t'attend. Veux-tu toujours l'immortalité? Si tu la veux, elle est à toi."

Thierry Maulnier. Le Dieu masqué. Gallimard NRF. p 31.32